<112>Où, sitôt que mon cœur a paru s'animer,
Mes premiers sentiments furent de vous aimer.
De l'amour des vertus l'heureuse sympathie
Forma notre union par l'estime nourrie,
Et bientôt la raison développée en nous
Consacra pour jamais des sentiments si doux.
De notre attachement telle était l'origine,
Dès notre berceau même il a poussé racine;
Nous croissions ainsi sous l'auguste pouvoir
De parents dont les mœurs dictaient notre devoir;
Nous n'avions entre nous ni secret ni mystère,
Et la sœur ne faisait qu'une âme avec le frère.
Dès lors, combien de fois, sensible à mes douleurs,
Ses généreuses mains ont essuyé mes pleurs!
Comme dans les jardins on voit de jeunes plantes
S'entre-prêter l'appui de leurs tiges naissantes,
Pour éluder les coups des vents impétueux,
Nous nous prêtions ainsi des secours vertueux.
Depuis, dans les dangers d'un plus terrible orage,
Son héroïque exemple affermit mon courage.
Combien de fois enfin, facile à m'égarer,
Du piége où je tombais elle sut me tirer!
Le vice à son aspect n'osait jamais paraître,
De mes sens mutinés elle m'a rendu maître,
C'était par la vertu qu'on plaisait à ses yeux.
Une aussi sage amie est un bienfait des cieux;
Les avis, les secours s'y rencontrent en foule,
Tandis qu'au premier choc se dissipe et s'écoule
L'hypocrite ramas d'amis sans probité,
Parasites rampants de la prospérité.
Quand au bruit d'un revers leur troupe m'abandonne,