<244>Tout traité fut suspect et devint un problème,
La fraude sur son front posa le diadème,
Des crimes dont le peuple est puni par les lois
Devinrent des vertus, appartenant aux rois.
Depuis que les forfaits parurent légitimes,
Nous voyons sous nos pas entr'ouvrira des abîmes,
Nous sommes entourés de cent piéges tendus,
Comme sur ces glacis avec art défendus
Où l'assiégeant timide, en main tenant la sonde,
Avance, en éventant les mines à la ronde.
Entre les souverains il n'est que peu d'amis,
Les plus proches voisins sont les plus ennemis,
L'un de l'autre en secret ils trament la ruine;
Il faut qu'on les observe, il faut qu'on les devine,
Et d'un œil pénétrant lisant dans l'avenir,
Il faut y voir le mal que l'on doit prévenir.
Tels sont les soins, Darget, que la couronne exige;
Mais à moins que le ciel ne fasse un grand prodige,
Lors même que le prince est quitte envers l'État,
Le peuple de son roi juge comme un ingrat.
On veut qu'il sache tout, la guerre, la finance,
L'art de négocier et la jurisprudence,
Qu'il soit universel dans ce vaste métier
Dont chaque point demande un homme tout entier.
Celui qui l'offensa le trouve trop sévère,
L'autre le croit trop doux, celui-ci trop colère;
Fait-il la guerre, on dit : « C'est un roi furieux,
Le ciel pour nous punir l'a fait ambitieux; »
S'il se maintient en paix, « ce monarque stupide
Redoute les dangers, la gloire l'intimide. »


a S'entr'ouvrir. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 327.)