<231>Quand le sang en fureur agite votre pouls,
Que par redoublement la fièvre vous dévore,
Votre esprit dérangé pendant l'accès s'ignore :
Laissez sortir le sang par ses ruisseaux ouverts,
Que sa pourpre en jets d'eau s'élance dans les airs,
Bientôt le mal n'est plus, votre poumon respire,
Et l'esprit égaré revient de son délire.
Voyez, le verre en main, ce dévot de Bacchus,
Il bégaye des mots, il ne les comprend plus.
Un homme évanoui perd d'abord sa pensée,
Son âme, en ce moment par les maux oppressée,
Reste, ainsi que le corps, dans l'engourdissement;
Aussitôt qu'il revient de ce saisissement,
Quand il rouvre les yeux, son âme appesantie
Après un court trépas est rendue à la vie.
Souvent un peu de sang qui presse le cerveau
De la faible raison étouffe le flambeau;
L'esprit a, pour penser, besoin de nos organes.
S'il était dégagé de leurs fines membranes,
Comment pourrait-il voir, sentir, toucher, ouïr,
Sans mémoire penser, craindre ou se réjouir?
Cet atome immortel, sans matière solide,
Privé de tous les sens, n'est qu'un être stupide;
Il n'est qu'un nom pompeux, un fantôme idéal.
Peut-il se souvenir de notre jour natal?
Sait-il comment le ciel l'unit à la matière,
Et quelle était jadis sa nature première?
L'âme que je reçus, cet être clairvoyant,
Avait très-mal instruit mon esprit en naissant;
Je n'ai pas apporté la plus légère trace