<218>Pensez-vous qu'à l'Amour, comme au seul dieu suprême,
Il faut immoler tout, jusqu'à la vertu même?a
Votre raison répugne à de tels sentiments.
L'amour croît avec nous à la fleur de nos ans,
L'âge des passions est l'heureuse jeunesse;
Un cœur novice est prompt à brûler de tendresse,
La nature, attisant ces feux séditieux,
De la vigueur des sens enfants impétueux,
Excite vivement la jeunesse fougueuse
A courir de l'amour la carrière épineuse;
De flatteuses erreurs et des désirs puissants
Triomphent sans combat de son faible bon sens.
Si l'on nous peint l'Amour sous les traits de l'enfance,
C'est que ce vieil enfant n'eut jamais de prudence :
Il est le compagnon de l'âge des erreurs,
Un sourire, un regard le rend maître des cœurs;
Dompté par la raison, vainqueur par le délire,
Il vit dans la jeunesse, il l'anime, il l'inspire.
Mais quand on a passé cette heureuse saison,
Que l'âge à pas tardifs amène la raison,
Que le sang refroidi se calme dans nos veines,
Pourquoi, par métaphore en bénissant ses chaînes,
Aller sacrifier aux autels de Vénus,
Et rappeler l'amour qui ne vous entend plus?
Dans nos temps corrompus, remarquez, je vous prie,
Combien d'originaux de la galanterie
La province et la cour ont en foule produits,
Qui, pleins de vanité, du faux bel air séduits,
Nous vantent les ardeurs de leurs flammes stériles.
Vieux guerriers languissants, vous n'êtes plus Achilles,


a Boileau, Satire X, v. 137 et 138.