<181>A vu depuis dix ans changer sa destinée,
Préparer sa ruine, abaisser son crédit,
Ses peuples opprimés, son fonds à rien réduit,
N'en chargez point leur prince, il n'est point tyrannique,
Rien ne peut remuer son âme léthargique;
Condamnez sa faiblesse et son oisiveté :
S'il cause tous leurs maux, c'est sans méchanceté,
Il s'endort sur des fleurs, et ses mains incertaines
De l'État chancelant laissent flotter les rênes.a
Avec ces vieux abus, la mollesse des cours,
L'oisiveté des grands, le monde va toujours;
Mais les vices des rois sont la première cause
Que pour le bien public se fait si peu de chose.
Réprimons la satire, épargnons nos égaux :
Ah! serions-nous les seuls exempts de ces défauts?
Avons-nous en tout temps la même vigilance,
Dans nos travaux divers la même prévoyance?
Et n'est-il pas des jours où l'esprit détendu,
Incapable d'agir, demeure sans vertu,
Où, loin d'approfondir le tout ou sa partie,
A peine glissons-nous sur la superficie?
De ma légèreté vous me voyez rougir,
La mort est un repos, mais vivre c'est agir;
Le temps qui fuit toujours aurait dû nous apprendre
Que nos jours sont comptés, qu'il ne faut rien suspendre,
Qu'il faut par les cheveux saisir l'occasion,
Et passer constamment ses jours dans l'action.


a Réminiscence de la Henriade, ch. I, v. 21 et 22 :
     

Valois régnait encore, et ses mains incertaines
De l'État ébranlé laissaient flotter les rênes.