<179>Et, troublant à leur gré le repos de la terre,
Entraînera l'État dans l'horreur de la guerre :
Un traître s'enhardit de forfaits en forfaits.
Mais vous reconnaissez à ces infâmes traits
aDu portrait que je peins l'original coupable,
Ce monstre dont Moscou sent le bras redoutable,
Qui tient un peuple entier sur sa frontière armé,
Et se complaît à voir tout le Nord alarmé.
Tandis que ses complots bravent notre constance,
Que l'Europe en courroux souffre son insolence,
De la fertile Ukraine il voit les champs déserts,
Les vaisseaux à Riga dévorés par les vers,
Les arts abandonnés, l'industrie expirante,
L'antique barbarie à la cour renaissante,
Tous les travaux du Czar pencher vers leur déclin.
Quel abus, cher ami, du pouvoir souverain!
Quelle utile leçon aux ministres, aux princes
Qui, loin de s'occuper du bien de leurs provinces,


a Les douze vers qui commencent à « Du portrait » sont remplacés par ceux-ci dans l'édition in-4 de 1760, p. 289 :
     

Ces monstres qu'à regret nous a tracés l'histoire,
Dont le peuple ulcéré déteste la mémoire,
Qui, sans cesse abusant du nom du souverain,
Opprimaient ses sujets sous leur sceptre d'airain,
Et, dans ce second rang, plus fiers, plus intraitables
Que ne furent jamais les maîtres véritables,
Impérieux, et durs, et prompts à le trahir,
Le rendaient méprisable, en se faisant haïr.
Tel était ce Séjan dont l'indigne statue
Par le sombre Tibère enfin fut abattue;
Tels, sous ces empereurs au vice trop enclins,
On abhorrait Pallas, Narcisse et Tigellin;
Tels, sous les faibles rois de la première race,
Les maires du palais, en occupant leur place,
Imposaient aux Français un joug oriental.
Quel abus des grandeurs et du pouvoir royal!