<173>Que le Wéser chérit,17 que l'Oder déifie,18
Vous, enfin, que l'envie admire en frémissant,
Vous, que vos ennemis estiment en tremblant,
Oui, vous, qui contraignez jusqu'au vice lui-même
A rendre hommage en vous aux vertus qu'il blasphème;
La vérité s'arrache à ces cœurs furieux,
Ainsi l'enfer connaît et déteste les dieux.
Si le simple mérite est digne qu'on l'admire.
Quand la beauté s'y joint, il en a plus d'empire :
Le stoïque Zénon, dans sa rigidité,
Aurait connu par vous le prix de la beauté,
Il eût été surpris de se trouver sensible.
Ah! malheur au mortel dont l'âme est inflexible!
La raison ne doit point détruire l'homme en nous,
Quand le cœur s'attendrit, l'esprit en est plus doux.
Oui, j'adore les dieux dans leur plus bel ouvrage,
Je vois dans vos attraits leur véritable image;
Cet hommage si pur et détaché des sens
Se doit, comme aux vertus, aux charmes, aux talents.
Mais tandis que je vois la Suède fortunée
Ne devoir qu'à vos soins sa haute destinée,
Vous le dirai-je ici? l'oserai-je, ma sœur?
C'est sa prospérité qui fait tout mon malheur.
Ah! si j'ai pu chanter votre gloire future,
Je sens en même temps murmurer la nature;
Amitié, don du ciel, sacrés liens du sang!
Si nous devons tous deux nos jours au même flanc,
Parlez enfin, parlez, sentiments d'un cœur tendre,
Rendez compte des pleurs que vous a fait répandre


17 Madame la duchesse de Brunswic.

18 Madame la margrave de Schwedt.