<126>Mais jamais ce pepin ne produira des roses :
Les effets sont toujours les esclaves des causes.
Ainsi l'homme en naissant reçut les passions,
Ces tyrans de son cœur et de ses actions;
Leur empire est connu par des effets semblables :
La trahison naquit des haines implacables;
L'amour à ses douceurs mêle un cruel poison,
Il égare l'esprit et séduit la raison;
Inquiet, soupçonneux, rempli de jalousie,
Il produit la fureur ou la mélancolie;
La colère est subite, aveugle en ses accès,
Et pousse les humains au comble des forfaits.
Nous sommes tous marqués d'un de ces caractères,
Ils ont, vous le voyez, des suites nécessaires :
Un Héraclite pleure, un Démocrite rit,
L'atrabilaire est dur, et l'humain s'attendrit.
Dieu fit ces passions; une main inconnue
Dans un ordre ignoré partout les distribue;
Tant de variétés, tant de destins divers
Par leurs combinaisons décorent l'univers,
Et d'un spectacle usé renouvellent la scène.
Mais l'Être tout-puissant ne se met point en peine
Du rôle que je joue et du sort qui m'attend;
Mon principe m'entraîne, et je suis son torrent;
Si du faîte des cieux il abaisse sa vue,
Il voit d'un œil égal la rosé et la ciguë;
Le grand est son ouvrage, et dans l'immensité
Il sait manifester toute sa majesté.
Dans de vastes desseins ce Dieu peut se complaire,
Mais il est sourd aux cris du stupide vulgaire;