<120>Schwerin et de Strelitz, qui avaient entre eux des démêlés touchant la succession. Il fonda l'université de Halle, et y attira d'habiles professeurs; et, afin de faciliter le commerce que cette ville fait de ses sels, il fit construire de belles écluses sur la Saale, qui la rendirent plus navigable.

Berlin vit alors une ambassade qui parut d'autant plus extraordinaire, qu'un nommé Le Fort représentait l'ambassadeur moscovite, et qu'il avait à sa suite le czar Pierre Alexeiwitsch.

Ce jeune prince s'était aperçu, à force de génie, qu'il était un barbare, et que sa nation était sauvage. Il sortit alors pour la première fois de ses États, ayant formé le noble projet de s'instruire et de rapporter dans le sein de sa patrie les lumières de la raison et l'industrie, qui lui manquaient. La nature avait fait de ce prince un grand homme; mais un défaut total d'éducation l'avait laissé sauvage : de là résultait sans cesse dans sa conduite un mélange extraordinaire d'actions véritablement grandes et de singularités, de reparties spirituelles et de manières grossières, de desseins salutaires et de vengeances cruelles; il se plaignait lui-même de ce que, parvenant à policer sa nation, il ne pouvait encore dompter sa propre férocité. En morale, c'était un phénomène bizarre qui inspirait l'admiration et l'horreur; pour ses sujets, c'était un orage dont la foudre abattait les arbres et les clochers, et dont la pluie rendait les contrées fécondes. De Berlin il se rendit en Hollande, et de là, en Angleterre.

L'Europe s'acheminait dès lors à grands pas vers la paix générale; les alliés étaient rebutés du mauvais succès de leurs armes, et Louis XIV, qui voyait Charles II, roi d'Espagne, sur son déclin et d'un tempérament à ne pas promettre une longue vie, se prêta facilement à la paix. Quoiqu'il rendît ses conquêtes presque sans restriction, il sacrifia ces avantages passagers à des desseins plus durables; il avait besoin de la paix, pour faire les préparatifs d'une guerre dont l'objet était de la dernière importance pour la maison de Bourbon. La paix