5925. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.

Potsdam, 17 juin 1753.

J'ai bien reçu votre rapport du 30 de mai dernier, tout comme ceux que vous m'avez faits du 2 et du 6 de ce mois. Je crois bien que les fréquentes et longues conférences que le comte de Keyserlingk a eues avec le comte de Kaunitz, ont roulé sur le projet de la grande alliance que le roi d'Angleterre tend à former pour donner plus de vigueur et de relief à la triple alliance,449-2 et sur l'accession de la Saxe et de la république de Hollande; mais je ne saurais vous dissimuler que je crois également que les mouvements des troupes turques et des Tartares vers les frontières de l'Ukraine russienne ont aussi eu beaucoup de part aux susdites conférences; car je viens d'apprendre encore qu'il court aussi un bruit sourd en Hollande d'une grande invasion que les Tartares ont faite dans l'Ukraine russienne, où ils devaient avoir remporté des avantages, et qu'il y avait toute l'apparence que la Porte soutiendrait les Tartares et qu'on verrait dans peu qu'elle romprait ouvertement avec la Russie.

D'ailleurs il est sûr que jusqu'à présent la cour de Russie a retiré presque toutes ses troupes de notre voisinage dans l'intérieur de ses provinces et qu'elle en fait défiler beaucoup vers l'Ukraine.

Comme depuis mon retour ici j'apprends que mon ministère du département des affaires étrangères vous a déjà communiqué, à la date du 9 de ce mois, ce qui nous a été marqué de Londres au sujet des conférences que le ministre de Russie, Tschernyschew, a eues avec le<450> duc de Newcastle, et des subsides que les deux cours impériales ont demandés pour faire marcher ses troupes, le cas le demandant, en faveur du roi d'Angleterre,450-1 je m'y réfère, en ajoutant seulement que, quoique cette réponse ait été faite au chevalier Williams de la part de la cour de Vienne du temps encore du baron de Bartenstein, ce qui a rendu apparemment de si mauvaise humeur le chevalier, il y a quelque temps, je crois néanmoins que le comte de Kaunitz n'aimerait pas de se voir embarqué, d'abord du commencement de son ministère, dans une affaire de si grande conséquence, de sorte que je suis parfaitement de votre sentiment qu'il ne convient pas aujourd'hui à la cour de Vienne de s'embarquer dans une guerre qui ne saurait que renverser ses arrangements intérieurs, mais qu'il lui faut au contraire encore la paix, pour mieux consolider ses finances, et qu'en conséquence cette cour-là ne voudra pas confirmer le roi d'Angleterre dans ses projets violents et enragés, et, bien que je sois persuadé que ce Prince voudrait bien être le boute-feu d'une nouvelle guerre et qu'il pourrait même se déterminer à donner des subsides pour ce sujet à la Russie et aux Autrichiens, malgré cela, quand on songe qu'il approche à la fin de ses jours et que sa famille risquerait beaucoup, si pendant le cours d'une guerre une minorité arrivait en Angleterre, j'ai de la peine à me persuader qu'il voudrait pousser les choses à l'extrémité. Toutefois, si indépendamment de ces considérations ce Prince voulait passer outre et allumer un nouveau feu de guerre, ce que cependant je ne saurais croire encore, l'affaire de l'Ostfrise en serait la raison qui l'y porterait, et l'arrêt mis de ma part sur le reste de la dette de Silésie, le prétexte.

Federic.

Nach dem Concept.

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449-2 Vergl. Bd. V, 187 Anm. 2; VIII, 205 Anm. 2.

450-1 Die entsprechende Stelle des aus dem Ministerium expedirten Erlasses, Berlin 9. Juni, lautet: Les avis qui me sont revenus tout récemment de l'Angleterre „portent que le comte Tschernyschew, ministre de Russie à Londres, a eu avec le duc de Newcastle deux ou trois conférences consécutives dans lesquelles il doit avoir fait entendre, à la vérité simplement comme de lui même, mais dans le fond par ordre, que sa cour serait toujours disposée à remplir ses engagements vis-à-vis de la Grande-Bretagne; que cependant, comme il pourrait arriver qu'à l'occasion dudit différend [relativement aux déprédations de la marine anglaise] le pays d'Hanovre fût attaqué plus tôt que l'Angleterre, l'on souhaitait de savoir si, Sa Majesté Britannique n'ayant pas encore accédé au traité de Pétersbourg en qualité d'électeur, elle voudrait faire préalablement ce pas et s'expliquer en même temps sur quels subsides la Russie pourrait compter au cas qu'elle fît marcher des troupes. Le duc de Newcastle, peu édifié de ces ouvertures, n'y doit avoir répondu qu'à bâtons rompus, dans l'espérance de recevoir des avis plus précis du sieur Guy Dickens à Pétersbourg et d'apprendre que le différend en question aura pris une autre tournure. L'on prétend que le même article des subsides a aussi été touché de la part du ministère autrichien envers le chevalier Williams, en l'assurant des dispositions favorables où se trouvait l'Impératrice-Reine pour soutenir l'Angleterre.“