<103>dignation que leur conduite m'aurait inspirés, je me ferais gloire d'être plutôt l'offensé que l'offenseur; ensuite je leur parlerais, je leur dirais que, respectant en eux le sang que mon père et ma mère leur ont transmis, il me serait impossible d'agir envers eux comme envers des ennemis déclarés, mais que je prendrais mes précautions pour les empêcher de me nuire. Ce procédé généreux pourrait les ramener à la raison, et si cela n'arrivait pas, j'aurais toutefois la consolation de n'avoir aucun reproche à me faire; et comme un pareil procédé doit s'attirer l'applaudissement des sages, je me trouverais suffisamment récompensé.

DEMANDE. A quoi vous servirait cette générosité?

RÉPONSE. A conserver ce que j'ai de plus précieux au monde, une réputation sans tache, sur laquelle je fonde tout mon bonheur.

DEMANDE. Quel bonheur peut-il y avoir dans l'opinion que les hommes ont de vous?

RÉPONSE. Ce n'est pas sur les opinions des autres que je me fonde, mais sur la satisfaction ineffable que j'éprouve en me trouvant digne d'un être raisonnable, humain et bienfaisant.

DEMANDE. VOUS disiez auparavant que si vous aviez des enfants, vous auriez plus de soin à les rendre vertueux que de leur amasser des richesses. Pourquoi pensez-vous si peu à établir leur fortune?

RÉPONSE. Parce que les richesses n'ont aucun prix par elles-mêmes, et n'en acquièrent que par le bon usage qu'on en fait. Or, si je cultive les talents de mes enfants, si je les forme aux bonnes mœurs, leur mérite personnel fera leur fortune; au lieu que si je ne veillais pas à leur éducation, quelque grands que fussent les biens que je pourrais leur laisser, ils les dissiperaient bien vite. D'ailleurs, je souhaite qu'on estime en mes enfants leur caractère, leur cœur, leurs talents, leurs connaissances, et non pas leurs richesses.

DEMANDE. Cela doit être très-utile à la société; mais quant à vous, quel avantage en retirez-vous?

RÉPONSE. Un très-grand, parce que mes enfants bien morigénés deviendront la consolation de ma vieillesse, qu'ils ne déshonoreront ni mon nom ni leurs ancêtres par leur mauvaise conduite, et qu'étant prudents et sages, à l'aide de leurs talents, le