<106>vous avez faits pendant votre séjour à Paris. Je vous envie à toute la terre, et je voudrais que vous fussiez au seul endroit où vous n'êtes pas, pour vous réitérer combien je vous estime et je vous aime. Vale.
187. AU MÊME.
Potsdam, 7 août 1742.
Mon cher Voltaire, vous me dites poétiquement de si belles choses, que, si je m'en croyais, la tête me tournerait. Je vous prie, trêve de héros, d'héroïsme, et de tous ces grands mots qui ne sont plus propres, depuis la paix, qu'à remplir d'un galimatias pompeux quelques pages de romans, ou quelques hémistiches de vers tragiques.
Vos vers légers, mélodieux,
Par un élégant badinage
Amuseront et plairont mieux
Que par l'encens et par l'hommage,
Qui, vous soit dit, est un langage
Bon pour faire bâiller les dieux.
Ces traits brillants de votre imagination ne sont jamais plus charmants que sur le badinage. Il n'est pas donné à tout le monde de faire rire l'esprit; il faut bien de l'enjouement naturel pour le communiquer aux autres.
Ce n'est ni Dieu ni le diable, mais bien un misérable commis du bureau de la poste de Bruxelles qui a ouvert et copié votre lettre; il l'a envoyée à Paris et partout. Je crois que le vieux Nestor n'est pas tout à fait blanc de cette affaire.
Je vous prie, mon cher Voltaire, de restituer une syllabe au village de Chotusitz, que vous lui avez si inhumainement ravie; et, puisqu'il vous faut des champs de bataille qui riment à quelque chose, j'ose vous faire remarquer que Chotusitz rime assez bien à Mollwitz. Me voilà quitte de la rime et de la raison.