<19>Je me propose un but en agissant.
Voudriez-vous que l'Être tout-puissant,
Auteur de tout et de mon existence,
N'eût aucun but, aucune volonté?
Tandis qu'il m'a donné l'intelligence,
Qu'il n'en eût point, lui, qui m'en a doté?a
Mais, dites-vous, et la peste, et la guerre,
Les maux divers, physiques et moraux,
La faim, la soif, et la goutte, et la pierre,
Du genre humain sont souvent les bourreaux;
Les ouragans, la grêle, le tonnerre,
Mille poisons, les affreux tremblements,
Les tourbillons, les typhons, les volcans,
Tous ces fléaux qui désolent la terre,
Sont-ce les dons d'un père à ses enfants?
Loin d'accuser la divine sagesse,
De ton esprit reconnais la faiblesse,
Homme superbe, atome révolté.
Le Tout-puissant posa cette barrière,
Pour contenir ta curiosité;
Peut-être il veut par cette obscurité
Humilier cette raison, trop fière
D'avoir suivi quelque trait de lumière
Qui lui montra parfois la vérité.
Mais il manquait à ta félicité
Qu'il dévoilât à ta faible paupière
De l'univers la théorie entière;
Et pour te faire approuver ses décrets,
Dieu t'aurait dû révéler ses secrets.
D'où vient le mal? Eh! plus je l'examine,
Et moins je vois quelle est son origine.
Que s'ensuit-il, sinon que mon esprit
Est, dans sa sphère, étroit et circonscrit?
Mais supposer qu'une aveugle matière
De tout effet est la cause première
a Voyez t. VII, p. 128.