<125> Que serait-ce des belles-lettres, si elles vous perdaient? Vous n'avez point de successeur. Vivez donc le plus longtemps que cela sera possible.
Je vois que vous avez à cœur l'établissement de la petite colonie dont vous m'avez parlé. Je suis embarrassé comment vous répondre sur bien des articles. Cette maison de Moylanda dont vous me parlez, proche de Clèves, a été ruinée par les Français; et, autant que je me le rappelle, elle a été donnée en propriété à quelqu'un qui s'est engagé de la rétablir pour son usage. Les fermes que j'ai en ce pays-là s'amodient, et je ne saurais passer un contrat avec un autre fermier qu'après que l'échéance du bail sera terminée.
Cela n'empêchera pas que votre colonie ne s'établisse; et je crois que le moyen le plus simple serait que ces gens envoyassent quelqu'un à Clèves pour voir ce qui serait à leur convenance, et de quoi je puis disposer en leur faveur. Ce sera le moyen le plus court, et qui abrégera tous les malentendus auxquels l'éloignement des lieux et l'ignorance du local pourraient donner lieu.
Je vous félicite de la bonne opinion que vous avez de l'humanité. Pour moi, qui connais beaucoup cette espèce à deux pieds, sans plumes, par les devoirs de mon état, je vous prédis que ni vous ni tous les philosophes du monde ne corrigeront le genre humain de la superstition à laquelle il tient. La nature a mis cet ingrédient dans la composition de l'espèce; c'est une crainte, c'est une faiblesse, c'est une crédulité, une précipitation de jugement, qui, par un penchant ordinaire, entraîne les hommes dans le système du merveilleux.
Il est peu d'âmes philosophiques et d'une trempe assez forte pour détruire en elles les profondes racines que les préjugés de l'éducation y ont jetées. Vous en voyez dont le bon sens est détrompé des erreurs populaires, qui se révoltent contre les absurdités, et qui, à l'approche de la mort, redeviennent superstitieux par crainte, et meurent
a Voyez t. XVI, p. 221, t. XVII, p. 48, et t. XXII, p. 31.