<336>lande, à qui celui de Paris l'a écrite. L'autre aventure fait beaucoup de bruit à Versailles. Le jour que le maréchal de Broglie fut exilé, on jouait à Paris, à la comédie française, Tancrède, de Voltaire; il y a dans la scène V ou VI du premier acte des vers dont le sens et les paroles disent à peu près : Tancrède est un héros; malgré la cabale qui le fait exiler, le peuple l'aime et connaît son mérite.a Soit que l'actrice eût en vue d'appliquer cet endroit à M. de Broglie, ou qu'elle cherchât à les bien déclamer, ces vers firent un grand effet sur tout le parterre, qui les appliqua à M. de Broglie; on frappa des mains avec excès, et força l'actrice à les répéter plusieurs fois. La cour a ordonné au lieutenant-général de police de poursuivre cette affaire. L'actrice a été obligée de prêter serment qu'elle n'avait songé à autre chose qu'à bien jouer son rôle, et l'on a arrêté une soixantaine des applaudissants, contre lesquels on instruit un procès en forme. Y a-t-il rien de plus ridicule, si ce n'est les arrêts des parlements pour chasser les jésuites, et ceux du conseil pour les protéger? Cela occupe plus Paris que la Martinique, où toutes les gazettes assurent que les Anglais, après avoir été repoussés deux fois, ont enfin débarqué douze mille hommes de troupes réglées. J'ai l'honneur, etc.
a Aménaïde dit dans Tancrède, acte I, scène VI :
............ Ah! tu n'en peux douter.
On dépouille Tancrède, on l'exile, on l'outrage
C'est le sort d'un héros d'être persécuté;
Je sens que c'est le mien de l'aimer davantage.
Écoute : dans ces murs Tancrède est regretté;
Le peuple le chérit