<353> je puisse goûter dans l'éloignement où je me trouve d'elle est celle que je trouve dans les assurances qu'il lui plaît de me donner encore de la constance de ses bonnes grâces.
La douceur de la vie que mène V. A. R. dans sa charmante retraite contribue beaucoup à la tranquillité de la mienne; mais elle ne me rendra parfaitement heureux que quand j'aurai le bonheur d'en être témoin. C'est à cet égard que la connaissance figurée ne vaudra jamais l'intuitive, n'en déplaise au grand Wolff, que j'ai été obligé de négliger un peu, mais que je ne perdrai jamais de vue.
V. A. R. a donc communiqué ma traduction de la Métaphysique? L'approbation que d'autres y donnent ne saurait flatter le traducteur, puisqu'il avait déjà celle de V. A. R., qui lui tient lieu de toutes les autres; et il abandonne volontiers son ouvrage, pourvu, monseigneur, que vous n'abandonniez jamais l'auteur.
Je compte dans peu faire retentir le bienheureux et tranquille séjour que la présence du prince le plus accompli rend si fortuné et si désirable de la bruyante nouvelle de la prise d'Oczakow, vers l'embouchure du Dnieper. Le feld-maréchal Lacy marche déjà vers la Crimée, et le feld-maréchal comte de Münnich va se mettre en mouvement avec le gros de l'armée pour s'approcher du Danube.
Je ne m'étonne pas que j'oublie mes infortunes quand j'ai le bonheur d'entretenir V. A. R. J'allais effectivement finir cette lettre sans lui faire la relation d'un malheur qui m'est arrivé, et qui a menacé ma vie. Je loge dans une maison que le baron de Mardefeld a quittée pour prendre celle qu'avait le comte de Lynar, Il m'avait assuré qu'il avait pourvu à tout contre le feu; mais malheureusement on avait oublié une cheminée dont il ne se servait guère. Le feu y a pris samedi passé, et avait déjà gagné la chambre au-dessus de la mienne, avant qu'on s'en aperçût. Si c'eût été de nuit, je devenais assurément la proie des flammes, et ma maison avec toutes les voisines, et même le magnifique palais impérial, qui n'en est pas fort éloigné, auraient