<14>Par sa vertu vraiment enchanteresse,
Aucun richard n'essuya des refus.
Au bon vieux temps où florissaient nos pères,
Le sentiment formait le nœud des cœurs;
Les passions alors étaient sincères,
L'or n'avait point pu corrompre nos mœurs.
L'amour tout seul possédait son empire,
Savoir aimer, c'était l'art de séduire,
Pour tout présent on donnait quelques fleurs,
Et ce bouquet, venant d'une main chère,
S'estimait plus que tout l'or de la terre;
Baisers légers étaient grandes faveurs.
Mais à présent tout se vend, tout s'achète,
Et la dévote, ainsi que la coquette,
A son mari sait trouver un rival;
Ce marché-là se fait à la toilette,
Au plus offrant, à l'amant libéral;
Du doux soupir à la faveur parfaite,
Tout a son prix, et l'amour est vénal.
On apprend tout : cette ville causeuse
Sur le caquet n'a rime ni raison;
On sait le prix d'une beauté fameuse,
Tout comme on sait le prix d'une maison.
On dit tout haut : « Que telle aimable femme
Pour cent louis sent allumer sa flamme;
Ajoute-t-on encor deux fois autant,
La passion s'empare de son âme;
Ce vil métal est maître de ses sens,
Et la rend tendre envers tous ses amants. »
Cette Corinne, autrefois tant courue,
Depuis six mois de prix a fort baissé;