<80>virent contre la montagne, et fondirent si brusquement et avec tant d'audace sur l'ennemi, qu'elles le chassèrent de son poste. Les Autrichiens tentèrent de se reformer dans un bois qui était derrière le champ de bataille; mais les grenadiers prussiens les poursuivirent avec la baïonnette aux reins, ce qui les empêcha de se reformer. Derrière ce bois il y avait une petite plaine, puis un taillis, dont l'ennemi tenta pour la seconde fois de profiter; mais on l'attaqua si impétueusement, que la confusion devint totale, et la fuite, générale. Lehwaldt n'avait que quatre cents hussards, qu'on crut suffire dans un pays montueux et difficile; s'il avait eu plus de cavalerie, peu d'ennemis auraient échappé. Ce corps, qui s'enfuit en Bohême, perdit neuf cents hommes à cette affaire. Wallis, qui le commandait, était dans une chapelle de saint, comme un autre Moïse, à élever les bras au ciel, et implorer son secours pour les Autrichiens qui se battaient. On vint lui dire : " Vos gens sont battus; vous n'avez point de temps à perdre : sauvez-vous, ou l'ennemi vous prend. " Wallis monta à cheval et piqua des deux. Voilà l'unique part qu'il eut à cette action. Les Prussiens y prirent trois canons, et cent hommes furent faits prisonniers. Cette affaire ne leur coûta que trente soldats tant morts que blessés. On regretta beaucoup le brave colonel Gaudi,a officier de réputation; il avait rendu un service important au feu roi, au siège de Stralsund : il enseigna un passage par lequel on se rendit maître du retranchement des Suédois en le tournant du côté de la mer, qui alors était basse. Tant de succès, qui se suivirent de si près, encouragèrent les Prussiens, et ôtèrent aux troupes de la Reine l'envie de prolonger davantage cette campagne. Chacun retourna de son côté dans les quartiers d'hiver, et demeura tranquille chez soi.
La fortune avait encore marqué sa faveur aux Prussiens par la naissance d'un fils dont la princesse de Prusse accoucha;10 ce qui assurait la succession à la branche régnante, qui jusqu'alors ne s'était étendue qu'aux trois frères du Roi.
a André-Erhard de Gaudi, père de celui qui fut lieutenant-général et ami de Frédéric le Grand, était colonel dans le régiment d'infanterie de Schlichting, no 2. Voyez t. I, p. 156.
10 Octobre 1744 [25 septembre].