<52>et de la philosophie, m'ôte en ce moment jusqu'à la déplorable consolation d'être auprès de celte digne femme, de lui rendre tous les soins que ma tendresse pour elle pourrait me suggérer, et que peut-être la pauvre malade ne sentirait pas, mais qui du moins satisferaient mon cœur. Je perds ainsi dans l'espace de quelques mois les deux personnes que j'aimais le plus, et dont j'étais le plus aimé. Voilà, Sire, la malheureuse situation où je me trouve, le cœur affaissé et flétri, et ne sachant que faire de mon âme et de mon temps.
Mais je me reproche encore d'entretenir V. M. de ma douleur, lorsque je ne devrais lui parler que de ma v ive reconnaissance pour toutes ses bontés, de l'admiration profonde que m'inspire sa philosophie si vraie et si peu commune, si raisonnable et si sensible tout à la fois, et surtout du désir que j'ai d'aller mettre encore une fois aux pieds de V. M. tous les sentiments qu'elle m'inspire. Ma santé seule pourrait s'opposer à ce voyage; mais il m'est trop précieux et trop cher pour ne pas donner à cette santé chancelante tous les soins dont je suis capable, et que vous avez la bonté d'exiger de moi. Hélas! Sire, ce voyage est presque le seul objet qui m'attache encore à la vie, et je ne regretterais en ce moment, si je venais à la perdre, que d'être privé de témoigner encore une fois à V. M. ma tendre et profonde vénération. Puisse V. M. jouir elle-même, pendant la mauvaise saison où nous allons entrer, d'une santé meilleure qu'elle n'a fait le dernier hiver! Je crains plus que jamais pour elle ces violentes attaques de goutte dont elle était, il y a quelques mois, si cruellement tourmentée. Je crains plus encore, je crains les nouvelles de guerre prochaine qui retentissent sans cesse à mes oreilles, et qui pourraient engager V. M. dans de nouvelles fatigues, plus redoutables pour elle que jamais. Tout affligé et tout philosophe que je suis, je ne puis m'empêcher de m'intéresser encore aux malheurs de la triste espèce humaine, qui n'ont pas besoin d'être augmentés, et j'y joins surtout les vœux les plus ardents pour la conservation, le bonheur et le repos de V. M. Elle a bien voulu me rassurer plus d'une fois sur les guerres dont je croyais l'Europe menacée, et elle m'a rendu la tranquillité par cette assurance. Puisse-t-elle me la rendre encore en ce moment, où j'en