LETTRE VI. A VOLTAIRE.
De Potsdam, le 5 mars 1749.
Il y a de quoi purger toute la France avec les pilules que vous me demandez, et de quoi tuer vos trois Académies. Ne vous imaginez pas que ces pilules soient des dragées; vous pourriez vous y tromper. J'ai ordonné à Darget de vous envoyer de ces pilules qui ont une si grande réputation en France, et que le défunt Stahla faisait faire par son cocher. Il n'y a ici que les femmes grosses qui s'en servent. Vous êtes en vérité bien singulier de me demander des remèdes, à moi qui fus toujours un athée en fait de médecine.
Quoi! vous avez l'esprit crédule
Vis-à-vis de vos médecins,
Qui, pour vous dorer la pilule,
N'en sont pas moins des assassins!
Vous n'avez plus qu'un pas à faire,
Et je vois mon dévot Voltaire
Nasiller chez les capucins.
Faites ce que vous pouvez pour vous guérir : il n'y a de vrai bien dans ce monde que la santé. Que ce soient les pilules, le séné, ou les clystères, qui vous rétablissent, peu importe; les moyens sont indifférents, pourvu que j'aie encore le plaisir de
a Voyez t. I, p. 263.