<293> Corses, que l'on peut voir par leur exemple que de courage et de vertu ne donne point aux hommes l'amour de la liberté, et qu'il est dangereux et injuste de l'opprimer.
La seconde question du politique roule sur la confiance qu'un prince doit avoir préférablement, après s'être rendu maître d'un nouvel État, ou en ceux de ses nouveaux sujets qui lui ont aidé à s'en rendre le maître, ou en ceux qui, étant fidèles à leur prince légitime, lui ont été le plus contraires.
Lorsqu'on prend une ville par intelligence et par la trahison de quelques citoyens, il y aurait beaucoup d'imprudence de se fier au traître. Cette mauvaise action qu'il a faite en votre faveur, il est toujours prêt de la faire pour un autre, et c'est l'occasion qui en décide. Au contraire, ceux qui marquent de la fidélité pour leurs souverains légitimes donnent des exemples de constance sur lesquels on peut compter, et l'on doit présumer qu'ils feront pour leurs nouveaux maîtres ce qu'ils ont fait pour ceux que la nécessité les a forcés d'abandonner. La prudence veut cependant qu'on ne se confie pas légèrement, ni sans avoir pris de bonnes précautions.
Mais supposons pour un moment que des peuples opprimés et forcés à secouer le joug de leurs tyrans appelassent un autre prince pour les gouverner, sans qu'il ait intrigué. Je crois que ce prince doit répondre en tout à la confiance qu'on lui témoigne, et que s'il en manquait, en cette occasion, envers ceux qui lui ont confié ce qu'ils avaient de plus précieux, ce serait le trait le plus indigne d'une ingratitude qui ne manquerait pas de flétrir sa mémoire. Guillaume, prince d'Orange, conserva jusqu'à la fin de sa vie son amitié et sa confiance à ceux qui lui avaient mis entre les mains les rênes du gouvernement d'Angleterre; et ceux qui lui étaient opposés abandonnèrent leur patrie, et suivirent le roi Jacques.
Dans les royaumes électifs, où la plupart des élections se font par brigues, et où le trône est vénal, quoi qu'on en dise, je crois que le