<183>Le Roi reçut à la fois toutes ces nouvelles accablantes; sans s'appesantir sur les désastres qui venaient d'arriver, il ne songea qu'au remède, et il força de marche pour gagner les bords de l'Oder. En chemin, il se détourna de Liegnitz, que les Autrichiens avaient fait fortifier, et poussant droit à Parchwitz, son avant-garde donna à l'improviste sur un détachement des ennemis, qui fut bien battu et dont trois cents hommes furent pris prisonniers, et il arriva à Parchwitz le 28, ayant fait le chemin de Leipzig à l'Oder en douze jours.a Le Roi voulait que M. de Kyau passât l'Oder à Köben; mais il ne put pas y réussir, parce que la plupart des troupes avaient déjà gagné Glogau. Dans ces conjonctures, le temps était ce qu'il y avait de plus précieux; il n'y avait point de moment à perdre : il fallait ou attaquer incessamment les Autrichiens à tout prix, et les mettre hors de la Silésie, ou il fallait se résoudre à perdre cette province pour jamais.
L'armée qui repassa l'Oder à Glogau, ne put joindre les troupes du Roi que le 2 de décembre; cette armée était découragée et dans l'accablement d'une défaite récente. On prit les officiers par le point d'honneur; on leur rappela le souvenir de leurs anciens exploits; on tâcha de distraire les idées tristes dont l'impression était fraîche, par la gaieté; le vin fut même une ressource pour ranimer ces esprits abattus. Le Roi parla aux soldats; il leur fit distribuer des vivres gratis; enfin on épuisa tous les moyens que l'imagination pouvait fournir et que le temps permettait, pour réveiller dans les troupes cette confiance sans laquelle l'espérance de la victoire est vaine. Déjà les physionomies commençaient à s'éclaircir, et ces troupes qui venaient de battre les Français à Rossbach, persuadèrent à leurs com-
a Dans une lettre adressée au prince Henri, à Parchwitz, le 1er décembre 1757, le Roi dit avec plus d'exactitude : « Je suis ici depuis le 28, à attendre les autres; j'ai fait depuis le 12, départ de Leipzig, quarante-deux milles d'Allemagne avec les troupes. » Voyez Militair-Wochenblatt, 1838, no42, p. 168, et ci-dessus, p. 179.