<45>de faire métier de noircir les réputations, d'inventer des impostures grossières, de calomnier à tort et à travers, de crier, de publier des mensonges, pour contenter sa méchanceté? En entendant ces vaines clameurs, on est porté à croire que tout l'univers est en danger; et, à l'examiner, ce n'est au fond qu'un chien qui aboie à la lune.

Ces sortes de déclamateurs qui attaquent avec cette effronterie impudente les hommes en place sont, pour la plupart, des misérables inconnus dans leur obscurité; ils deviennent les organes mercenaires de quelque grand, envieux d'un compétiteur, ou ils se livrent à la turpitude de leur cœur, au funeste penchant de mordre comme des dogues enragés ceux que le hasard leur fait rencontrer dans leur chemin. A les lire, on croirait qu'ils ont des espions gagés dans les cours, qui leur rendent compte des moindres particularités qui s'y passent; mais leur imagination supplée en effet à leur ignorance, et ils connaissent aussi peu ceux que leur plume maltraite que la vertu qu'ils outragent si étrangement. Qu'y a-t-il de plus facile que de médire des grands? On n'a qu'à grossir leurs défauts, qu'à exagérer leur faible, qu'à commenter les médisances de leurs ennemis; et, au défaut de tant de belles ressources, on trouve un répertoire d'anciens libelles, que l'on copie, en les accommodant aux temps et aux personnes. Les déclamations contre les puissants de la terre sont devenues des lieux communs; chaque emploi a son étiquette banale et des calomnies qui lui sont affectées; on est sûr, en lisant un écrit contre un contrôleur de finances, d'y trouver qu'il a le cœur dur, qu'il est inexorable, que c'est un brigand public qui s'engraisse de la substance des peuples, qu'il les charge impitoyablement, et que ses opérations sont celles d'un imbécile. S'il s'agit d'un ministre de la guerre, les forteresses tombent en ruines, le militaire est négligé, il refuse les emplois par goût, et ne les accorde qu'à la faveur ou à l'importunité. On est sûr qu'un secrétaire d'État se repose de son travail sur les commis; ceux-là pensent, dirigent et travaillent, tandis qu'il n'est pas au fait des affaires; quoi qu'il fasse, on trouve à redire à tout, dans la guerre à son ambition, dans la paix à sa faiblesse, et on le rend responsable des événements. Pour les souverains, ils ne récompensent