<132>est dans le fond d'un puits, d'où les philosophes s'efforcent de la retirer; tous les savants se plaignent des travaux qu'il leur en coûte pour la découvrir. Si la vérité était faite pour l'homme, elle se présenterait naturellement à ses yeux; il la recevrait sans efforts, sans longues méditations, sans s'y méprendre, et son évidence, victorieuse de l'erreur, entraînerait infailliblement la conviction après elle; on la distinguerait à des signes certains de l'erreur, qui souvent nous trompe en paraissant sous cette forme empruntée; il n'y aurait plus d'opinions, il n'y aurait que des certitudes. Mais l'expérience m'apprend tout le contraire : elle me montre qu'aucun homme n'est sans erreur; que les plus grandes folies que l'imagination en délire ait enfantées en tous les âges sont sorties du cerveau des philosophes; que peu de systèmes de philosophie sont exempts de préjugés et de faux raisonnements; elle me rappelle les tourbillons que Des Cartes imagina, l'Apocalypse que Newton, le grand Newton commenta, l'harmonie préétablie que Leibniz, génie égal à celui de ces grands hommes, avait inventée. Convaincu de la faiblesse de l'entendement humain et frappé des erreurs de ces célèbres philosophes, je m'écrie : Vanités des vanités, vanité de l'esprit philosophique!

L'expérience, en poussant ses recherches plus loin, me montre l'homme, en tous les siècles, dans l'esclavage perpétuel de l'erreur, le culte religieux des peuples fondé sur des fables absurdes, accompagné de rites bizarres, de fêtes ridicules et de superstitions auxquelles ils attachaient la durée de leur empire, et des préjugés qui règnent d'un bout du monde à l'autre.

En recherchant la cause de ces erreurs, on trouve que l'homme même en est le principe. Les préjugés sont la raison du peuple, et il a un penchant irrésistible pour le merveilleux; ajoutez à cela que la plus nombreuse partie du genre humain, ne pouvant vivre que par un travail journalier, croupit dans une ignorance invincible; elle n'a le temps ni de penser ni de réfléchir. Comme son esprit n'est point rompu au raisonnement, et que son jugement n'est point exercé, il lui est impossible d'examiner selon les règles d'une saine critique les choses sur lesquelles elle veut s'éclaircir, ni de suivre une chaîne de raisonnements par lesquels on pourrait la détromper de ses erreurs. De là vient son attachement pour le