<256>ministre de leurs violences; de sorte que les bons empereurs étaient massacrés par les soldats, et les méchants par conspiration et par ordre du sénat. Ajoutons à cela que la facilité qu'il y avait alors à s'élever à l'empire contribua beaucoup à ces fréquents changements, et que c'était alors la mode à Rome de tuer les empereurs, comme ce l'est encore de nos jours en quelques pays de l'Amérique que les fils étouffent leurs pères lorsqu'ils sont surchargés d'années. Tel est le pouvoir de la coutume sur les hommes, qu'elle fait passer au-dessus des sentiments de la nature même, lorsqu'il s'agit de lui obéir. Voici une réflexion sur la vie de Pertinax, qui répond mal aux préceptes que l'auteur donne au commencement de ce chapitre. Il dit, « Qu'un souverain qui veut absolument conserver sa couronne est quelquefois obligé de s'éloigner des termes de la justice et de la bonté. » Je crois avoir fait voir qu'en ces temps malheureux la bonté ni les crimes des empereurs ne les sauvaient des assassinats. Commode, successeur de Marc-Aurèle, en tout indigne de son prédécesseur, et se rendant le mépris du peuple et des soldats, fut mis à mort. Je me réserve de parler, à la fin du chapitre, de Sévère. Je passe donc à Caracalla, qui ne put se soutenir à cause de sa cruauté, et qui prodigua aux soldats les sommes que son père avait amassées, pour faire oublier le meurtre de son frère Géta, qu'il avait commis. Je passe sous silence Macrin et Héliogabale, mis à mort tous les deux, et indignes d'aucune attention de la postérité. Alexandre, leur successeur, avait de bonnes qualités; Machiavel croit qu'il perdit la vie pour être efféminé; mais il la perdit en effet pour avoir voulu rétablir la discipline parmi les soldats, que la lâcheté de ses prédécesseurs avait entièrement négligée. Lors donc que ces troupes effrénées entendirent qu'on voulait leur parler d'ordre, elles se défirent du prince. Maximin suivit Alexandre; il était grand guerrier, mais il ne conserva pas le trône. Machiavel l'attribue à ce qu'il était de basse naissance et très-cruel; il a raison quant à la cruauté, mais il se trompe beaucoup quant à la basse naissance. On suppose ordinairement qu'il faut un mérite personnel et supérieur en un homme qui se pousse sans appui, et qui se tient lui-même lieu d'ancêtres, et on l'estime