<230>J'ai dit plus haut que le premier devoir d'un prince était l'administration de la justice; j'ajoute ici que le second et celui qui le suit immédiatement est la protection et la défense de ses États.

Les souverains sont obligés d'entretenir l'ordre et la discipline dans les troupes; ils doivent même s'appliquer sérieusement au métier de la guerre, afin qu'ils sachent commander des armées, qu'ils puissent soutenir les fatigues, prendre des camps, faire naître partout l'abondance des vivres, faire de sages et bonnes dispositions, prendre des résolutions promptes et justes, trouver en eux-mêmes des expédients et des ressources dans des cas embarrassants, profiter de la bonne comme de la mauvaise fortune, et ne manquer jamais de conseil ni de prudence.

C'est à la vérité beaucoup exiger de l'humanité; on peut cependant se le promettre plutôt d'un prince qui tourne son attention à fortifier son esprit que de ceux qui ne pensent que matériellement et selon les impulsions plus ou moins grossières des sens. Il en est, en un mot, de l'esprit comme du corps : si vous l'exercez à la danse, il prendra de l'air, il deviendra souple et adroit; si vous le négligez, il se courbe, il perd sa grâce, il deviendra lourd et pesant, et, avec le temps, incapable d'aucun exercice.