<226>n'aie pas assez d'amour-propre pour présumer qu'ils veuillent sacrifier à cette lecture un temps qu'ils emploient, d'ailleurs, si utilement pour le bien du genre humain, je les prie de souffrir que l'amour de la vérité qui me conduit fasse l'apologie de mes sentiments, en cas qu'ils se trouvent contraires aux leurs. Je ne compose point un éloge flatteur, ma plume n'est point vénale, mon dessein est, en écrivant cet ouvrage, de me satisfaire en disant avec toute la liberté possible les vérités dont je suis convaincu, ou les choses qui me paraissent raisonnables. S'il se trouve, après tout, un lecteur d'un goût assez dépravé pour ne point aimer la vérité, ou pour ne point vouloir que l'on combatte sa façon de penser, il n'a qu'à jeter mon livre, personne assurément ne l'obligera de le lire.

Je reviens à mon sujet. La chasse est un de ces plaisirs sensuels qui agitent beaucoup le corps, et qui ne disent rien à l'esprit; c'est un exercice et une adresse meurtrière qui se met en usage aux dépens des animaux sauvages; c'est une dissipation continuelle, un plaisir tumultueux qui remplit le vide de l'âme, et qui la rend incapable, en ce temps, de toute autre réflexion; c'est un désir vif et ardent de poursuivre quelque bête fauve, et une satisfaction cruelle et sanguinaire de la tuer : en un mot, c'est un amusement qui rend le corps robuste et dispos, et qui laisse l'esprit en friche et sans culture.

Les chasseurs me reprocheront, sans doute, que je prends les choses sur un ton trop sérieux, que je fais le critique grave et sévère, et que je suis dans le cas des prêtres, qui, ayant le privilége de parler seuls dans les chaires, ont la facilité de prouver tout ce que bon leur semble, sans appréhender d'opposition.

Je ne me prévaudrai point de ces avantages, et j'alléguerai de bonne foi les raisons spécieuses qu'allèguent les amateurs de la chasse. Ils me diront d'abord que la chasse est le plaisir le plus noble et le plus ancien des hommes; que des patriarches et même beaucoup de grands hommes ont été chasseurs; et qu'en chassant, les hommes continuent à exercer ce même pouvoir sur les bêtes, que Dieu daigna donner lui-même à Adam. Je conviens que la chasse peut être aussi ancienne, s'ils veulent, que le monde; cela prouve qu'on a chassé dès longtemps; mais pour cela, ce qui