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IV. LETTRE DU ROI DE POLOGNE A SA MAJESTÉ LE ROI DE PRUSSE.

Struppen, le 12 septembre 1756.

Le comte de Bellegarde m'a remis la lettre de Votre Majesté. J'y vois par le contenu que rien n'arrête le passage de ses troupes, que la nécessité de se rendre préalablement maître de l'Elbe, et la précaution d'empêcher que, pendant la guerre qui vient de s'allumer entre Votre Majesté et l'Impératrice-Reine, mes troupes n'entreprennent rien contre elle; c'est pourquoi je me hâte de lui répondre sur-le-champ, et de lever cet obstacle en détruisant, s'il est possible, cette méfiance dans laquelle Votre Majesté semble être entrée. Quant à l'un de ces deux points, j'y consens; et de l'autre, je suis prêt à l'en garantir. Puisse Votre Majesté se confier sur ma parole royale, qu'aucun de mes ministres ne s'est jusqu'ici avisé, ni n'oserait s'émanciper de m'y faire manquer. Mais si malgré cela Votre Majesté se croit en droit d'exiger des sûretés plus réelles, quelque suffisante que puisse être ma parole d'honneur, je suis disposé à lui céder les forteresses de Wittenberg, de Torgau, et même aussi celle de Pirna, tant que la guerre durera. Quant aux sûretés exigées touchant l'armée, je ne saurais que proposer à Votre Majesté, à l'exception des otages que je pourrais en tout cas lui offrir.

J'espère que ces offres pourront entièrement contenter Votre Majesté, et la convaincre de la sincérité de mes intentions. Les <245>conditions que je désire en représailles de la part de Votre Majesté, consistent à évacuer au plus tôt mes États de ses troupes, et à souffrir que les miennes puissent librement et sans être molestées rentrer dans leurs quartiers, dont cependant les trois places susdites seront exemptées, dans l'espérance que les troupes de Votre Majesté y vivront à leurs dépens, et ne se mêleront point de ce qui regarde les affaires civiles. Pour ne pas être obligé d'alléguer en détail ce qui concerne cet arrangement, je laisse à la disposition de Votre Majesté le choix de la personne qu'elle voudra destiner à cet usage; de ma part j'en ferai de même, afin qu'ils puissent s'arranger entre eux et venir recevoir notre consentement. Que Votre Majesté considère par là jusqu'à quel point je pousse mes avances : il me serait impossible d'en faire davantage, et j'aimerais mieux en venir aux plus grandes extrémités que d'oublier ce que je dois à moi-même, à mon pays et à mon armée, etc.