<238>

II. LETTRE DU ROI DE POLOGNE A SA MAJESTÉ LE ROI DE PRUSSE.

Dresde, le 3 septembre 1756.

Je reçois actuellement du général de Méagher la réponse à la lettre dont je l'avais chargé pour Votre Majesté. Je la remercie sincèrement des marques d'estime et d'amitié qu'elle veut bien me témoigner. J'espère aussi qu'en même temps Votre Majesté daignera me donner au plus tôt des marques réelles de ces assurances que j'estime infiniment.

Les démêlés qui se sont élevés entre Votre Majesté et l'Impératrice-Reine, ne me regardent en aucune façon. Elle a aussi eu la bonté de me mander les nouvelles représentations qu'elle a fait faire à la cour de Vienne, et qu'elle va régler ses mesures sur la réponse qu'elle en obtiendra. Cependant, après avoir uniquement exigé de moi un passage qui, suivant les constitutions de l'Empire très-connues à Votre Majesté, ne devait porter aucun préjudice à mes États, j'aurais dû croire qu'il était équitable de ne pas s'en emparer, et de s'en tenir ponctuellement à la déclaration authentique que Votre Majesté a faite, savoir : qu'elle n'avait aucun dessein d'agir avec moi en ennemi, ni de traiter mes États comme tels; d'en user au contraire comme il convient à un prince ami et bien intentionné. Bien loin de là, les troupes de Votre Majesté extorquent toutes sortes de livraisons, s'emparent de mes caisses publiques, démolissent une partie de ma forteresse de Wittenberg, et enlèvent mes officiers et même mes généraux, par<239>tout où elles les trouvent. J'en appelle à ces sentiments de droiture et de probité dont Votre Majesté fait profession, et suis assuré qu'elle ne permettra pas que mes États souffrent des différends qui règnent entre Votre Majesté et l'Impératrice-Reine.

Au reste, je souhaite fort que Votre Majesté veuille me découvrir les desseins pernicieux dont elle a daigné faire mention dans la précédente, et dont je n'ai eu jusqu'à présent aucune idée. En attendant, je me flatte que Votre Majesté daignera avoir égard à mes sollicitations, et qu'elle évacuera mes États au plus tôt possible. Je suis prêt, ainsi que je l'ai déjà déclaré, à promettre toutes les sûretés que Votre Majesté pourra exiger de moi, tant qu'elles ne seront pas opposées à l'équité et à mon rang. Cependant, puisqu'il n'y a point de temps à perdre, et que je me trouve dans l'indispensable nécessité d'empêcher l'approche ultérieure de troupes qui agissent en quelque sorte en ennemis, et donnent par là occasion d'appréhender des suites encore plus fâcheuses, je suis résolu de me rendre à mon armée, et d'y attendre dans peu des déclarations plus positives de Votre Majesté. Mais je proteste encore une fois que mon intention n'est point de m'écarter du traité de neutralité dont nous sommes sur le point de convenir; qu'au contraire, je suis très-intentionné de le signer avec une parfaite satisfaction.