<28>Fox ne pouvait avoir lieu que par le déplacement du duc de Newcastle, et cela était d'autant plus difficile, que ce seigneur jouissait d'un grand crédit sur l'esprit du Roi; qu'il était considéré dans le parlement par ses longs services, par sa vertu et par son bon naturel; qu'il était estimé de la nation par ses immenses richesses, par toutes les places qu'il avait à donner, et enfin par un nombre de membres du parlement que ses seigneuries lui donnaient le droit d'élire. Le duc de Cumberland imagina que le meilleur moyen pour faire abandonner au duc de Newcastle ses grands emplois, serait d'engager la nation dans une guerre avec la France, par où il mettrait le ministre dans la nécessité d'ajouter de nouvelles dettes à celles dont le gouvernement était déjà surchargé; ce qui fournirait des griefs à l'opposition : ou bien il se flattait de profiter de tous les mauvais succès qui pourraient arriver au commencement d'une guerre, pour en rejeter la faute sur le ministre, et le déterminer, à force d'inquiétudes et de persécutions, à se retirer de lui-même des emplois. Ce projet était vaste et compliqué. Pour le mettre en exécution, il fallait commencer par envenimer les querelles des deux nations, pour les porter à la rupture de la paix. Cela fut facile : au seul nom de Français le peuple de Londres entre en fureur; les matières combustibles étaient assemblées, elles s'embrasèrent bien vite; bientôt ce peuple fougueux et féroce obligea le roi George à faire quelques armements. Une démarche en entraîna insensiblement une autre; on en vint de là à des voies de fait; des violences donnèrent lieu à des représailles, et dès la fin de 1754 la guerre entre ces deux peuples parut inévitable. On remarquait cependant que le ministère de Versailles agit avec plus de mesure et de modération, et que les mauvais procédés étaient tous commis de la part des Anglais.

Ces deux rois, se voyant menacés de la guerre, tâchèrent chacun de leur côté de fortifier leur parti, en resserrant les vieilles alliances, ou en en formant de nouvelles. Le Roi fut alors recherché par les Français et par les Anglais : son alliance avec la cour de Versailles n'était point expirée; toutefois les possessions des Français aux Indes étaient exceptées des garanties de la Prusse; et dans ces conjonctures il paraissait que le partage des Prussiens serait de demeurer neutres pendant ces troubles, et