<226>affaires étrangères, et bientôt cardinal, pour avoir signé le traité de Vienne. Tant qu'il s'agissait d'établir sa fortune, toutes les voies lui furent égales pour y parvenir; mais aussitôt qu'il se vit établi, il songea à se maintenir dans ses emplois en se conduisant par des principes moins variables, et plus conformes aux intérêts permanents de l'État. Ses vues se tournèrent toutes du côté de la paix, pour terminer, d'une part, une guerre dont il ne prévoyait que des désavantages, et d'une autre, pour tirer sa nation d'une alliance contraire et forcée, dont la France portait le fardeau, et dont la maison d'Autriche devait seule retirer tout le fruit et tout l'avantage. Il s'adressa à l'Angleterre par des voies sourdes et secrètes, il y entama une négociation pour la paix; mais la marquise de Pompadour étant d'un sentiment contraire, il se vit aussitôt arrêté dans ses mesures. Ses actions imprudentes l'élevèrent, ses vues sages le perdirent; il fut disgracié pour avoir parlé de paix, et envoyé en exil dans l'évêché d'Aire.a M. de Choiseul, Lorrain de nation, ambassadeur de France à la cour de Vienne, fils de M. de Stainville, ambassadeur de l'Empereur à Paris, devint ministre des affaires étrangères dans la place du cardinal disgracié. Il signala son entrée dans le ministère par un nouveau traité d'alliance qu'il conclut avec la cour de Vienne, dont nous donnons la copie à la fin de ce chapitre, pour ne point interrompre ce tableau général que nous faisons au lecteur. En le parcourant, vous vous apercevrez de l'ascendant que la cour de Vienne avait pris sur la cour de Versailles, qui alla encore depuis en augmentant. M. de Choiseul, non content du traité désavantageux qu'il venait de conclure avec l'Impératrice-Reine, ordonna au nom du Roi à l'Académie des inscriptions de frapper une médaille pour éterniser cet événement.

Ces deux cours ne s'en tinrent pas là; elles employèrent leur commun crédit à la cour de Pétersbourg pour ranimer la haine de l'impératrice Élisabeth contre le roi de Prusse; elles lui représentèrent qu'il fallait laver la tache que ses troupes avaient reçue à Zorndorf, en mettant, le printemps prochain, une armée plus nombreuse en campagne. Son favori Schuwaloff ne cessait de lui répéter que, pour changer en terreur le mépris où les Russes étaient chez les Prussiens, il fallait ordonner aux généraux qui commanderaient ces troupes, d'agir avec la plus grande vigueur, et de suivre en tout les impulsions qu'ils recevraient des puissances alliées. Toutes ces insinuations menaient au but qu'avait la cour de Vienne, de charger ses alliés du hasard de la guerre, et de se réserver pour en retirer seule l'avantage. Les ministres de Vienne et de Versailles jugèrent que, pour resserrer plus indissolublement leur alliance avec l'impératrice de Russie, il fallait lui garantir le royaume de Prusse, comme une conquête désormais incorporée dans sa vaste monarchie. Cette proposition fut favorablement reçue par l'Impératrice, et le traité fut conclu et signé en conséquence.

Le roi de Pologne était mêlé dans toutes ces intrigues, non seulement pour aigrir la cour de Pétersbourg contre celle de Berlin, mais voulant encore tirer de l'amitié de l'impératrice Élisabeth des avantages pour sa famille, il la sollicita de procurer par son assistance le duché de Courlande pour son troisième fils, le prince Charles. L'Impératrice, qui favorisait les Saxons, consentit à cet établissement, après quoi Auguste II donna à son fils


a Dans l'abbaye de Saint-Médard, à Soissons.