<182>transpiration arrêtée par le froid, et des indigestions causées par de mauvaises nourritures, qui ne pouvaient être guéries que par de fortes évacuations, et non par d'autres remèdes. Quoique le monde que l'armée perdit dans les hôpitaux fût considérable, on parvint cependant à rassembler pendant l'hiver la plupart des recrues dont on avait besoin pour recompléter l'armée; mais il fut impossible de s'en servir d'abord au printemps, parce que c'étaient, la plupart, des paysans qu'il fallait exercer et discipliner, et que la campagne commença de très-bonne heure.

La maison royale perdit cette année la Reine mère.a Le Roi reçut cette funeste nouvelle après la bataille de Kolin et dans un temps où la fortune s'était le plus déclarée contre les Prussiens; il en fut vivement touché : il avait vénéré et adoré cette princesse comme une tendre mère, que ses vertus et ses grandes qualités rendaient l'admiration de ceux qui avaient le bonheur de l'approcher. Sa mort causa, non un deuil de cérémonie, mais une calamité publique : les grands regrettèrent son abord facile et gracieux; les petits, sa débonnaireté; les pauvres, leur refuge; les malheureux, leur ressource; les gens de lettres, leur protectrice; et tous ceux de sa famille qui avaient l'honneur de lui appartenir de plus près, croyaient avoir perdu une partie d'eux-mêmes, et se sentaient plus frappés qu'elle du coup qui venait de l'emporter.

On ne peut pas en dire autant de la reine de Pologne, qui mourut à Dresde, détestée des Saxons pour son intolérance, de la cour pour ses tracasseries, de sa famille pour son austérité rigoureuse, mais canonisée par les jésuites pour avoir fondé une église catholique dans le sein de l'hérésie. On disait à Dresde que le Te Deum de la bataille de Rossbach avait tué cette princesse, en irritant la haine qu'elle avait contre les Prussiens, et qu'elle était obligée de supprimer. Cependant un abcès qui lui creva tout à coup dans la poitrine, fut la cause véritable de sa mort. Lorsque cette nouvelle arriva à Varsovie, le comte de Brühl avait tout préparé pour faire saigner le roi de Pologne en la lui apprenant; mais ce prince la reçut avec assez de sang-froid, et répondit au comte de Brühl que ce n'était pas la peine de le saigner. La perte


a Sophie-Dorothée, reine mère, née le 27 mars 1687, mourut à Berlin le 28 juin 1757. Voyez t. I, p. 200.