<174>La garnison de Stettin consistait en dix bataillons de milice, que les états de la Poméranie avaient levés. M. de Manteuffel,a à la tête de quatre bataillons, n'était pas en état de former de grandes entreprises. En laissant la distribution des armées telle qu'elle était alors, le Roi courait les plus grands hasards pour celle de Prusse, et risquait en même temps de voir la Poméranie envahie par les Suédois. Ces raisons le déterminèrent à concentrer davantage ses forces pour procéder avec plus de sûreté, et d'abandonner les extrémités de ses États, que le nombre de ses ennemis ne lui permettait plus de défendre. Ces motifs firent rappeler de Tilsit M. de Lehwaldt avec son armée; il marcha d'abord en Poméranie contre les Suédois, qu'il délogea promptement d'Anclam et de Demmin; il les poussa bientôt sous le canon de Stralsund, où ces troupes ne se croyant pas en sûreté, se réfugièrent dans l'île de Rügen. Une grande gelée qui survint ensuite, fit prendre tout le trajet, ou pour mieux dire, ce bras de mer qui sépare la Poméranie de cette île. Le maréchal de Lehwaldt aurait pu profiter de l'occasion, si son grand âge ne l'en eût empêché, pour passer avec son armée sur la glace à Rügen, où il aurait détruit toutes ces troupes suédoises : au moins un coup pareil aurait-il délivré le Roi pour un temps d'un ennemi qui faisait une diversion fâcheuse. Quoique le maréchal de Lehwaldt n'eût pas entrepris tout ce qui était faisable, il fit toutefois dans cette courte expédition trois mille prisonniers sur les Suédois. Un détachement qu'il envoya assiéger le fort de Peenemünde, ne le reprit qu'au mois de mars de l'année suivante.

La multitude d'objets qu'il y avait à remplir pendant cette campagne, était immense; et comme on se trouvait pressé de faire de tous les côtés des efforts, on ne pouvait y réussir qu'en employant les mêmes troupes en différents endroits. Le prince Ferdinand de Brunswic avait trop peu de cavalerie dans son armée; il lui en fallait nécessairement pour l'entreprise qu'il méditait. Il importait au Roi que les Français fussent chassés de la Basse-Saxe et du Bas-Rhin, et pour y contribuer de sa part autant que sa situation le lui permettait, il détacha dix escadrons


a Henri de Manteuffel, né en Poméranie en 1696, a déjà été nommé t. II, p. 168. Il devint général-major en 1756, et en 1758, lieutenant-général.