<102>trême à l'autre, l'inconséquence des ministres, l'animosité dont le roi de France était rempli contre le roi de Prusse, la nouveauté et la mode, accréditèrent cette alliance des Autrichiens à la cour au point qu'on la considérait comme un chef-d'œuvre de politique. Il n'y avait que les ministres impériaux à la mode; ces ministres usèrent si adroitement de l'influence qu'ils avaient dans le conseil de Louis XV, qu'au lieu de vingt-quatre mille hommes d'auxiliaires que la France était obligée de donner à l'Impératrice-Reine, ils intriguèrent si bien, que le printemps suivant cent mille Français passèrent le Rhin. Bientôt les Suédois furent sommés par le ministère de Versailles de remplir la garantie du traité de Westphalie; le sénat vénal de cette nation était depuis longtemps aux gages de la France. Quoique les constitutions du royaume défendent en termes exprès et positifs de ne point déclarer la guerre sans le consentement des trois ordres qui forment la diète ou les états généraux, les partisans de la France violèrent cette loi fondamentale, et passant par-dessus toutes les formalités usitées en pareils cas, ils adoptèrent aveuglément les mesures que le roi de France leur prescrivait.

Pendant que la cour de Versailles préparait si laborieusement les moyens de bouleverser l'Allemagne, un fol pensa causer une révolution en France; c'était un fanatique obscur qui, ayant servi comme domestique dans un couvent de jésuites en Flandre, se proposa d'assassiner Louis XV. Ce malheureux, nommé Damiens, se rendit à Versailles, et y épiait le moment pour exécuter cet abominable projet. Un soir que le Roi devait partir pour Choisy, cet insensé se glisse clans la foule, approche du Roi par derrière, et lui plonge son couteau dans le côté. Il fut arrêté sur-le-champ; la blessure du Roi fut trouvée légère; le parlement se saisit du coupable; les prisons furent remplies de personnes qu'il avait chargées par ses dépositions, mais qui étant innocentes, recouvrèrent la liberté; et jusqu'à présent le public n'a été instruit que vaguement des motifs qui ont déterminé ce monstre à cet attentat atroce.

La cour de Vienne, qui agissait si puissamment à Versailles, n'était pas moins diligente à intriguer chez les autres puissances de l'Europe; elle dépeignait à Pétersbourg l'entrée des Prussiens