<203>

IX. MÉMOIRE DE LA COUR DE DRESDE, DONT IL EST FAIT MENTION DANS LA LETTRE PRÉCÉDENTE, SIGNÉ A PRAGUE LE 9 DÉCEMBRE 1745.

Sur ce que M. l'envoyé d'Angleterre a communiqué de la réponse reçue de Sa Majesté Prussienne, et dont rapport a été fait au roi de Pologne, Sa Majesté a ordonné de faire connaître audit ministre britannique qu'elle avait espéré, après avoir de son côté apporté tant de facilités pour le rétablissement d'un accommodement et de la bonne harmonie avec Sa Majesté Prussienne en se déclarant prête d'accéder à la convention de Hanovre, que ledit roi ne refuserait pas d'accepter les conditions ajoutées à cette déclaration amiable, c'est-à-dire, la cessation des hostilités, l'exaction des contributions demandées, et la restitution de celles qui ont déjà été levées.

Ce refus ne saurait qu'être d'autant plus sensible à Sa Majesté Polonaise, puisqu'il fait entrevoir la ruine de son pays, vu surtout la rigueur avec laquelle on presse le payement des contributions exigées, sans parler du monde qu'on enlève par force, des recrues qu'on exige du pays, et des autres molestations sans nombre qu'on exerce, malgré l'union des électeurs, des pactes de famille qui subsistent entre les deux maisons, et contre toutes les lois de l'Empire.

Sa Majesté Polonaise ne demande pas mieux que de se réconcilier sincèrement avec Sa Majesté Prussienne, et elle souhaiterait <204>que cela pût se faire conjointement avec Sa Majesté l'Impératrice : le moyen d'y parvenir n'est pas si l'on veut au préalable ruiner la Saxe d'une façon que de longues années elle ne pourra s'en relever.

C'est pousser les choses tellement à bout, que, ruine pour ruine, Sa Majesté Polonaise n'a pas besoin d'entrer dans un tel accommodement, devant en ce cas plutôt sacrifier jusqu'au dernier homme, et attendre à s'en dédommager dans la suite par le secours de ses alliés et de tout l'Empire.

D'ailleurs, si Sa Majesté Prussienne, qui connaît la source de cette guerre, aurait voulu ou voudrait encore entrer dans les justes désirs de Sa Majesté Polonaise, l'envoi d'un ministre, muni des pleins pouvoirs nécessaires pour arrêter raccommodement entre les deux cours, n'aurait pas souffert la moindre difficulté; et le Roi est tout prêt d'en expédier un aussitôt que Sa Majesté Prussienne voudra se déclarer plus favorablement sur les points ci-dessus mentionnés, et donner incessamment les ordres nécessaires pour ménager le pays.

Le Roi est du reste fort sensible aux sentiments d'estime que Sa Majesté Prussienne proteste lui porter. Il y répondra toujours parfaitement, et n'oubliera surtout jamais les égards dus à tout souverain, et plus encore aux têtes couronnées.

Aussi Sa Majesté, qui juge des autres souverains par elle-même, n'aurait-elle jamais quitté sa capitale et son pays pour se réfugier ici, si elle n'avait pas craint qu'on n'aurait pas plus de ménagement dans une guerre ouverte, qu'on en a eu dans les écrits qui l'ont précédée. D'ailleurs, elle répond à la politesse de Sa Majesté par toute la reconnaissance possible, et ne manquera pas, après la réitération de ces dignes sentiments pour la sûreté de sa capitale, d'y retourner.

Requérant ainsi M. l'envoyé d'Angleterre de faire part du contenu de ce mémoire à Sa Majesté Prussienne, on préparera éventuellement tout pour l'expédition d'un ministre, dans l'attente d'une réponse favorable.

Fait à Prague, ce 9 décembre 1745.