<81>A Berlin, la cour attendait l'arrivée du maréchal de Belle-Isle, que Louis XV envoyait à ses alliés pour concerter avec eux les mesures à prendre pour l'ouverture de la campagne prochaine. Le Maréchal s'était rendu à Munich, de là à Cassel, où il fut averti d'éviter, pour se rendre à Berlin, le chemin par le pays de Hanovre : on lui indiqua une route plus sûre qui menait par le Eichsfeld à Halberstadt. Le Maréchal, imbu de son caractère d'ambassadeur et du titre de prince d'Allemagne, rejeta cet avis, et par une suite de cet aveuglement, il suivit le chemin ordinaire. A peine arrive-t-il à Elbingerode, que des dragons hanovriens l'arrêtent;a il eut la présence d'esprit de déchirer tous ses papiers. On le mène en triomphe à Hanovre, où le conseil s'applaudit d'avoir pris un maréchal de France, l'homme de confiance de la ligue de Francfort, enfin un homme qui jouait un si grand rôle en Europe. Il est transféré en Angleterre : on lui donne pour prison le château de Windsor, où il reste quelques mois; et il ne fut échangé qu'après la bataille de Fontenoi. La fierté du roi de France souffrait de l'affront que les Hanovriens lui faisaient dans la personne de son ambassadeur. On disait à Versailles que les Hanovriens avaient manqué dans cette occasion au respect dû à la majesté impériale et au droit des gens, en arrêtant sur les grands chemins et comme un voleur un homme revêtu d'un caractère public. On disait à Londres qu'après la déclaration de guerre, tout officier français qui passait sans passe-port sur les terres du roi d'Angleterre, pouvait être arrêté de bon droit; qu'on regardait le maréchal de Belle-Isle comme officier et point comme ambassadeur, que ce caractère, n'étant point indélébile, n'était valable qu'à la cour où le ministre est accrédité. Il n'y avait proprement que la vengeance du roi d'Angleterre d'intéressée à l'humiliation du maréchal de Belle-Isle : George le regardait comme l'auteur de la guerre d'Allemagne, comme un homme qui l'avait forcé à donner sa voix à l'empereur Charles VII, et qui l'avait contraint, l'année 1741, d'accepter la neutralité, lorsque le maréchal de Maillebois menaçait l'électorat de Hanovre; le maréchal de Belle-Isle était donc regardé comme l'ennemi juré de la maison de Brunswic.


a 20 décembre 1744. Voyez Mémoires de Valori, t. I, p. 206 et 207.