<296>gence. Puisque, ma chère sœur, vous voulez vous charger du grand ouvrage de la paix, je vous supplie de vouloir envoyer ce M. de Mirabeau en France. Je me chargerai volontiers de sa dépense; il pourra offrir jusqu'à cinq cent mille écus à la favorite pour la paix, et il pourrait pousser ses offres beaucoup au delà, si en même temps on pouvait l'engager à nous procurer quelques avantages. Vous sentez tous les ménagements dont j'ai besoin dans cette affaire, et combien peu j'y dois paraître; le moindre vent qu'on en aurait en Angleterre pourrait tout perdre. Je crois que votre émissaire pourrait s'adresser de même à son parent qui est devenu ministre, et dont le crédit augmente de jour en jour. Enfin je m'en rapporte à vous. A qui pourrais-je mieux confier les intérêts d'un pays que je dois rendre heureux qu'à une sœur que j'adore, et qui, quoique bien plus accomplie, est un autre moi-même? J'ai déjà répondu par rapport à Reitzenstein, et je conseille au Margrave de le rendre d'abord, pour ne point être impliqué dans une affaire qui, dans les circonstances présentes, pourrait lui devenir funeste. Adieu, ma chère sœur; je vous embrasse de tout mon cœur, étant avec la plus parfaite tendresse, ma très-chère sœur, etc.

324. A LA MÊME.

(Leitmeritz) 13 juillet 1757.



Ma très-chère sœur,

Votre lettre m'est très-bien parvenue; j'y vois vos regrets de la perte irréparable que nous avons faite de la plus respectable et de la plus digne mère de l'univers. Je suis frappé de tant de coups, que je me trouve dans une espèce d'étourdissement. Les Français viennent de s'emparer de la Frise, ils vont passer le Wéser; ils ont instigué les Suédois à se déclarer contre moi, ils font passer dix-sept mille hommes en Poméranie. Les Russes assiégent Memel, Lehwaldt les a en dos et en face; les troupes de