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145. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH.

Potsdam, 9 avril 1744.



Madame ma très-chère sœur,

Après vous avoir dépêché ma précédente au sujet de mon éloignement invincible pour le mariage projeté de l'aînée des Marwitz, je viens de recevoir une seconde lettre de la part du général son digne père, que je n'ai pas pu m'empêcher de vous envoyer en original. Vous y trouverez un fidèle portrait de sa douloureuse et déplorable situation, et une déclaration réitérée de sa volonté paternelle. Ainsi je me flatte que votre cœur bien placé en sera touché au vif, et que vous travaillerez efficacement à finir ses peines en remédiant aux maux que vous lui avez causés. Vous savez que le premier et principal devoir des enfants consiste dans l'obéissance aux ordres et conseils de ceux auxquels ils doivent la vie, et que ceux-ci sont en droit de disposer du sort des premiers. Voyant donc avec combien d'empressement ce brave père souhaite et demande de ravoir ses filles, j'espère que vous ne voudrez point les lui refuser, mais que vous prendrez la généreuse résolution de le tirer du bord du tombeau par le prompt renvoi de ses enfants. C'est ce dont je vous prie très-instamment, en vous conjurant par cette tendresse que vous m'avez jurée, et en vous protestant que celle que j'ai pour vous ne finira qu'avec ma vie, et que je suis de cœur et d'âme, etc.a


a De la main d'un secrétaire.