21. AU MÊME.

Camp de Wahlstatt, 18 août 1761.



Mon cher frère,

Les nouvelles que vous me donnez de ma sœur Amélie m'affligent beaucoup. Vous m'auriez fait plaisir d'ajouter un mot sur ce que les médecins espèrent de sa guérison. Je me flatte encore que sa jeunesse et son tempérament la tireront d'affaire. Je suis persuadé que vous y contribuerez autant qu'il dépendra de vous. Je ne vous mande rien d'ici, parce que ma lettre traverse le camp des ennemis pour vous être rendue; j'espère cependant <549>de pouvoir en quelque temps vous donner de bonnes nouvelles. Nous avons beaucoup de fatigues, et nous les supportons d'autant plus tranquillement, que nous avons eu, ce printemps et cet été, tout le temps de nous reposer. Nous avons eu différents petits avantages sur nos ennemis; je les passe sous silence, parce que cela ne décide de rien, et que, sans quelque grande fortune, ces brillantes bagatelles ne servent pas à grand' chose. Tout ce que j'apprends des affaires de Westphalie me donne bonne assurance de la campagne du prince Ferdinand. Nous ne parviendrons à la paix que par un chemin rude et semé d'épines, tel qu'on dit être celui qui mène en paradis; tout veut être acheté, tout a son prix dans ce monde; les succès sont achetés par de durs travaux, et l'on ne parvient à la tranquillité qu'après avoir essuyé les plus grandes inquiétudes. Je vous prie de ménager votre faible santé. Mes compliments à ma nièce ou à ma belle-sœur, qui va me faire d'un coup oncle et grand-oncle à la fois. Je souhaite qu'elle accouche heureusement d'un fils qui vous ressemble, à la santé près. Adieu, cher frère; ne m'oubliez pas, et soyez persuadé de ma tendre amitié.