307. AU MÊME.

( Schönwalde) ce 17 (avril 1778).



Mon très-cher frère,

Je vous prie de vous souvenir qu'à la dernière guerre, vous et moi nous nous sommes souvent trouvés à la tête de vingt-six mille hommes contre soixante mille ennemis, et que nous nous sommes tirés d'affaire; et à présent que, avec les Saxons, vous en avez quatre-vingt mille, et moi à peu près autant, je ne vois pas ce qui nous doit embarrasser. Si d'ailleurs cette guerre vous répugne, vous n'aviez qu'à me le dire comme mon frère Ferdinand, et vous étiez maître de vous en dispenser; mais dans le fond des choses, je ne vois pas ce qui vous peine tant.481-a Je suis ici avec mon armée, et je n'en bougerai que vous ne soyez en Bohême. Le corps des Autrichiens qui est contre moi ne saurait branler, à moins de risquer que je lui prenne ses magasins et tout. L'Empereur n'oserait hasarder présentement daller en Lusace, à moins de risquer que je lui tombe sur les derrières. Vous n'aurez donc contre vous que quinze régiments d'infanterie, soit à Teplitz, soit du côté de Lowositz; je ne vois rien là qui me fasse trembler, et vous pouvez expédier ces gens-là avant que ces quinze régiments d'infanterie qui sont dans notre voisinage puissent se remuer. Comme je vous l'ai mandé, j'ai fait camper un corps à Pischkowitz, et je compte de faire des reconnaissances <423>jusqu'à Jaromircz, dès que je vous saurai sur les frontières de la Bohême, pour fixer sur moi l'attention de l'ennemi. De plus, un corps se trouve encore du côté d'Éger, de sorte que l'armée de Bohême est partagée en trois parties. Si vous dépostez ce premier corps de Teplitz, l'Empereur sera bien obligé de couvrir Prague et ses magasins; et supposé même qu'il voulût pénétrer avec un petit corps en Lusace, vous pourriez l'en chasser avec un détachement, car il ne saurait abandonner les frontières de la Silésie sans courir risque qu'on ruinât tous ses magasins. Pour ce qui regarde la guerre, elle est, mon cher frère, autant que déclarée; je me tue de vous le dire, il n'y a pas moyen de reculer, à moins de perdre son honneur, et cette réponse que l'on attend encore ne sera certainement pas satisfaisante. Comptez donc, je vous prie, sur la guerre, et mettez de côté toutes ces idées de pacification, qui sont impraticables à présent. Le comte Finck est instruit de tout; il vous donnera, mon cher frère, avant la déclaration formelle de la guerre, le temps qu'il vous faudra pour gagner les devants en Saxe. Voilà, foi d'honneur, tout ce que je puis vous dire, car le 22 ou le 24 nous entrerons en action. Je suis, etc.


481-a Le prince Henri n'aimait plus la guerre; il craignait de compromettre la gloire qu'il avait acquise, et voulait vivre tranquillement à Rheinsberg. Voyez. Militärischer Nachlass des Grafen Henckel von Donnersmarck, t. II, cahier II, p. 175, 182, 186, 187, 189, 190, 199, 215 et 219.