142. AU MÊME.

Leipzig, 25 janvier 1763.



Mon cher frère,

Rien ne peut m'être plus agréable que la part obligeante que vous prenez à mon existence. Je deviens bien vieux, mon cher frère; dans peu je serai inutile au monde et à charge à moi-même. C'est le sort de toutes les créatures de dépérir avec l'âge; mais il ne faut cependant pas abuser du privilége de radoter.

Vous me parlez toujours de notre négociation d'un ton comme si vous y mettiez peu de confiance. Il est très-sûr que le chapitre des événements est inépuisable; il est sûr qu'il peut arriver tout plein de choses que l'esprit borné des hommes ne saurait prévoir. Mais, suivant le cours ordinaire et les degrés de probabilité suffisants pour fonder des espérances, je crois que notre paix sera faite avant que le mois de février soit entièrement écoulé. J'y mets ce terme pour l'envoi de différents courriers qui sont indispensables, parce que, mon cher frère, quelque hâté que l'on soit, il y a de certaines choses qui se font mal, si elles se font avec précipitation, et qui demandent de la maturité et de la réflexion. Une paix comme celle-ci constate l'état de deux peuples. Durant le cours de la paix, il y a tant de discussions entre les voisins, que, si l'on ne s'accorde sur les principales, on fournit des aliments d'une nouvelle guerre au premier esprit inquiet qui en veut profiter. Ayez donc encore un peu de patience, et j'espère que je pourrai vous donner des nouvelles que ce grand ouvrage a été heureusement conclu. Je suis, etc.