57. DU PRINCE DE PRUSSE.

Camp de Leipa, 8 (juillet 1757), au soir.



Mon très-cher frère,

Le hussard m'a rendu la lettre en date du 7. La correspondance que je dois entretenir avec les commandants des forteresses de Silésie sera difficile, puisque toutes les communications sont coupées par la vigilance des troupes légères des ennemis; cependant je ferai mon possible. Ayez la grâce de me donner un ordre positif sur ce que je dois faire, soit de couvrir la Silésie, ou de conserver un pied en Bohême, en couvrant Zittau aussi longtemps que je trouverai du fourrage; car si vous appréhendez une prochaine invasion en Silésie, je crois qu'il sera très-difficile, pour ne pas dire impossible, que je prenne un autre chemin que par Zittau, à cause du grand train de chariots et de caissons qu'il faut faire marcher d'avance et couvrir à proportion de la difficulté des chemins. De plus, nous ne pouvons avoir du pain pendant la marche qu'autant que le magasin de Zittau nous en fournira, qu'il faut prendre avec, et s'arrêter à Zittau autant de temps qu'il faut pour le cuire. Pour couvrir Zittau, au cas que <129>je doive marcher en Silésie, il faudra pour le moins un corps de dix bataillons, de la force qu'ils sont à présent la plupart, car le corps de Nadasdy doit être de dix mille hommes. Le général Brandeis m'a écrit de Gabel, où il est arrivé avec la tête du convoi, le 7, fort heureusement; pour assurer son arrivée, j'ai détaché le colonel Krockow,149-a avec deux bataillons de hussards et dragons, pour marcher à sa rencontre. De l'armée de Daun nous n'avons pas la moindre nouvelle. Tout notre camp est entouré de petites troupes de hussards qui se montrent à peine hors des bois. Un homme venu de Politz rapporte que, ce midi, l'ennemi s'y est campé; je tâcherai de m'en éclaircir. Du général Winterfeldt je n'ai pas eu la moindre nouvelle. Son intention était d'être aujourd'hui à Georgenthal. Je crois qu'il y sera, et que la lettre qu'il m'a envoyée, ou bien le messager, auront été enlevés. Pour avoir du pain pour six jours, le général Goltz149-b m'assure que, avant le 14, nous ne pourrons marcher, car la farine n'arrive que demain.

Dans l'instant, le général Winterfeldt arrive, ayant mis deux bataillons à Reichstadt, et des hussards. Il n'a vu que quatre cents pandours et quelques hussards, qui ont pris la fuite. Le chemin d'ici à Zittau est probablement assuré par ce poste. Je compte que demain le général Brandeis arrivera. Le général Goltz m'a dit qu'il sera absolument nécessaire d'ordonner que, après que les chariots de Silésie seront arrivés à Zittau, et auront remis la farine, on les fasse partir, la consommation étant trop grande par rapport au pain et fourrage. Ainsi j'ai suivi son avis et donné l'ordre. Le général Winterfeldt m'a dit avoir des nouvelles sûres qu'il n'y a jusqu'à présent que six cents chevaux de marchés vers les frontières de Silésie; il espère pouvoir être en peu éclaira des desseins que l'ennemi forme; il a fait l'acquisition d'un bon espion.

J'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect, jusqu'au tombeau, etc.


149-a Voyez t. XX, p. XI, et 195-198; t. XXV, p. XVIII, et 653-655.

149-b Voyez t. IV, p. 226.