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335. DU PRINCE HENRI.

Camp de Tschischkowitz, 15 septembre 1778.

J'ai reçu la lettre du 13 que vous avez eu, mon très-cher frère, la bonté de m'écrire. Je vois que les Autrichiens ont abandonné la Lodomérie et la Gallicie. Ne serait-ce pas pour se renforcer en Moravie, et pour n'avoir pas besoin d'y détacher beaucoup de troupes de l'armée de l'Empereur? Par les lettres de Prague, leur dessein doit être de renforcer Loudon. Les huit régiments de l'armée de l'Empereur avaient joint Loudon avant mon départ. Nous avons vu leur camp plus étendu, les déserteurs nous l'ont dit, les émissaires et les prisonniers l'ont confirmé. Si, depuis mon départ, ces régiments sont retournés, ou s'ils y sont encore, voilà ce que j'ignore, car je n'ai aucune nouvelle positive de l'armée de Loudon. Le prince de Bernbourg a quitté Gabel, et se trouve à l'Eckartsberg, d'où je crois qu'il sera obligé de partir dans peu. Ses trois colonnes d'arrière-garde ont été attaquées, mais sans succès, de la part de l'ennemi. Mon convoi parti le y, et dont la queue est encore aujourd'hui à quatre milles d'Aussig, m'afflige le plus. Les chariots de pain sont arrivés. Les fours, dont il n'y en avait que vingt, faisant en tout soixante chariots, ne sont pas passés, et deux cent quarante chariots de munitions sont également encore embourbés. L'ennemi n'a que faiblement attaqué ce convoi, et s'il n'y vient pas avec force, je puis encore espérer de le sauver. J'ai envoyé hier, faute d'autres chevaux, deux cent cinquante chevaux de cuirassiers. Tout cela me met dans une situation très-désagréable. J'ai encore de l'autre côté de l'Elbe le général Möllendorff. J'ai employé la nuit à lui fournir du pain. Il couvre du côté de Kuttendorf l'Elbe, et empêche du moins que rien ne perce par là pour aller vers Aussig. Cependant je ne puis rien garantir encore pour ce convoi, lequel, s'il passe heureusement, ne peut arriver, suivant tous mes rapports, qu'en trois jours. Tel est l'effet des chemins gâtés par les pluies; et dans le manque total de chevaux, dans le délabrement où sont les chariots après les marches que nous avons faites, je me trouve dans tout plein d'embarras pour chercher du pain, ce