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328. AU PRINCE HENRI.

Camp de Léopold, 22 août 1778.

J'ai reçu votre lettre du 20, mon cher frère, ici, à Léopold. J'ai tracassé toute la journée pour prendre mes positions. Ne me parlez point, je vous prie, de défilés et de montagnes; j'en ai ici de quart de mille en quart de mille, comme il y en a dans les Alpes; mais je fais, à force de travail, accommoder les chemins, et c'est ce qui m'empêche encore de frapper mon coup. J'ai vu aujourd'hui Hohenelbe et les troupes autrichiennes; tout ce qu'ils ont dans ces environs peut aller à vingt mille hommes, et j'espère, si la fortune seconde encore les vieillards, de bien peloter ce corps-là, et de voir l'effet que cela produira sur la masse de leur armée. Le corps de Turnau n'est uniquement là, mon cher frère, que pour couvrir le dos impérial; les Autrichiens craignent que nous ne les attaquions ensemble, et pour l'empêcher, ils se couvrent des bords escarpés de l'Iser. Quant à vous, mon cher frère, je crois que vous pourriez au moins attendre la réussite de mon entreprise, et si elle ne répond pas à nos vœux, il n'y a de parti que de passer l'Elbe à Leitmeritz. Vous pouvez faire fortifier ce pont de ce côté-ci pour vous en conserver l'usage, et, quant à la Lusace, je suis bien sûr que si un gros corps y entre, et qu'on se mette sur ses derrières, il ne pourra avancer, faute de subsistances, et bénira le ciel de regagner la Bohême. Voilà ce qui arriva au prince Charles après l'affaire de Catholisch-Hennersdorf,a et vingt mille hommes seront assurément très-suffisants, dans le commencement, pour empêcher toute entreprise de ce côté-là. En revanche de cela, vous aurez des fourrages à foison, et avec quelques précautions vous pourrez établir votre boulangerie à Aussig, où elle sera hors d'atteinte. Je suis si occupé d'un nombre de détails pour mon entreprise, que vous me pardonnerez si je ne vous en dis pas davantage. On m'a fait bien des choses de travers, qu'il faut redresser sans perte de temps. Je suis, etc.


a Voyez t. III, p. 172-175.