<386>Ainsi, quand le grand-duc n'arriverait que vers les six heures, nous serions plus sûrs d'avoir tout achevé. Je ne vous écris rien sur les affaires, parce que j'aurai demain la satisfaction de vous embrasser et de pouvoir vous parler sur tout; mais il est certain que la fureur où est l'apostat d'Hippocratea me sert plus que tout au monde. Il y a quelqu'un envers lequel il se déboutonne, et dans le sein duquel il répand ses secrets et son venin contre nous, car, mon cher frère, il ne vous épargne pas plus que moi. Mais il me paraît certain que la cour de Vienne a fait un traité avec la Russie au sujet de la démarcation de la Pologne, et que j'en ai été le sacrifice. Voilà le gros de la chose.

Ne craignez pas qu'il manque du monde sur le passage du grand-duc; ici, de ma chambre, je vois au delà de deux mille personnes, depuis deux heures, qui regardent l'arc de triomphe où quelques charpentiers travaillent. On loue des fenêtres dans la rue Royale vingt écus la pièce. Jugez du reste. Il se rassemble du monde de tous les côtés et de tout pays. Beaucoup viennent pour juger par leurs yeux si c'est réellement le grand-duc qui vient ici. Je m'en vais vous souhaiter le bonsoir, mon cher frère, pour me reposer et rassembler toutes mes forces pour demain,b vous assurant de la tendresse infinie et de tous les sentiments avec lesquels je suis, etc.

271. DU PRINCE HENRI.

Rheinsberg, 9 août 1776.



Mon très-cher frère,

Je reviens de Schwedt, où j'ai quitté le grand-duc rempli de reconnaissance pour vos bontés, mon très-cher frère, et de regret de vous avoir quitté. Il m'a chargé de cette lettre pour vous, que j'ai l'honneur de vous envoyer. Je suis parti ce matin sans


a Van Swieten, dont le père était médecin.

b Voyez t. XXIII, p. 431; t. XXIV, p. 320-324; et ci-dessus, p. 50 et 51.