<371>frère; heureusement vous êtes en âge de n'en pas avoir besoin. Pour un vieillard de mon âge elle devient nécessaire; tout le sépare du monde; on perd ses amis, ses connaissances, on reste tout comme isolé, on s'aperçoit d'un affaiblissement insensible qui va en augmentant, et la nature nous avertit de nous préparer à ce voyage dont personne ne retourne. Ce n'est pas une si grande affaire, et il vaut mieux finir avant une entière décrépitude, pour ne pas être à charge aux autres et à soi-même.

255. AU MÊME.

Le 5 septembre 1775.

.... J'ai trouvé en Silésie les affaires assez bien; mais les grêles et les brûlures me coûtent cent mille écus de bonifications. Il faut que je sois terriblement maladroit; je suis comme Arlequin, je me tire d'affaire en payant.a J'ai vu les régiments; la cavalerie de Breslau est supérieurement bien; mais l'infanterie est si fort en arrière, que j'ai été obligé de m'en mêler sérieusement. Ils n'ont point travaillé; les soldats étaient paysans, et les officiers bourgeois; mais j'y mettrai ordre. Les forteresses sont en partie achevées, et en partie s'achèveront l'année prochaine, ce qui me fera respirer. Cette année, cinquante-quatre villages nouveaux ont été achevés; il en reste encore soixante-trois à faire, ce qui sera terminé en deux ans, si je vis. La Landschaftb a payé six cent mille écus de capitaux, de sorte que les dettes de la noblesse pourront s'acquitter dans une quinzaine d'années. Le commerce de la province augmente si fort, qu'ils ont vendu pour un million de toiles et cent trente-trois mille écus de laines de plus que toutes les années précédentes. La population monte à présent à un million quatre cent mille âmes, de sorte que nous avons deux cent mille personnes de plus que l'année 1740, que je suis entré


a Voyez ci-dessus, p. 342.

b Voyez t. VI, p. 90 et 91; t. IX, p. 217; t. XX, p. 142.