<10>l'avez pris. Si l'occasion s'en présente, vous pouvez seulement lui dire qu'il ne nous trouverait jamais en défaut envers lui, et que l'intérêt et l'ambition ne nous feraient jamais extravaguer jusqu'au point d'oublier notre devoir et les sentiments de la nature. Si vous pouvez le lui dire d'un ton ferme, vous verrez que cela fera un très-bon effet.

Mes compliments à Pöllnitz.a Dites-lui seulement que je lui suis obligé de la peine qu'il avait prise de m'écrire.

13. A LA MÊME.

Ruppin, 25 janvier 1740.



Madame,

Votre lettre m'a donné la peur tout du long. J'ai parlé à Feldmann et au chirurgien-major, qui disent tous les deux qu'il est impossible que le Roi en revienne, et qu'on a beaucoup à craindre une suffocation ou quelque accident imprévu. J'attends les lettres de ce soir; si cela va mieux, je resterai ici jusqu'à samedi; sinon, je serai mercredi à cinq ou six heures à Berlin. Je vous rends mille grâces de la peine que vous vous donnez de m'informer de tout ce qui se passe; je serais sans cela dans mille incertitudes, quoique je ne saurais m'imaginer que le danger soit si pressant.

Enfin quelques mois nous éclairciront de ce qui arrivera, car il est presque impossible que les choses restent dans la situation où elles sont présentement. Il faut avoir patience, et se résigner à la volonté de la Providence, qui dirigera tout comme bon lui semblera. Je ne souhaite point la mort de mon père, Dieu m'en préserve! et je crois que je serai plus affligé de sa mort que beaucoup d'autres, qui affectent de l'idolâtrie pendant sa vie; la voix de la nature est un instinct trop puissant en moi,a et je ne suis pas assez farouche pour l'étouffer.


a Voyez t. XX, p. V et VI, et p. 83-119. Le baron de Pöllnitz envoyait à Frédéric des rapports suivis sur la maladie du Roi.

a Voyez t. XXI, p. 398.