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185. A D'ALEMBERT.

Le 1er juin 1777.

Je suis fâché d'apprendre le dérangement où se trouve votre santé; cela arrive très-mal à propos pour moi, qui m'étais fait une joie du plaisir de vous voir. Il faut espérer que d'autres temps me seront plus favorables. Je comprends que toute la France n'est occupée présentement que du comte de Falkenstein. Depuis Charles-Quint, c'est le premier empereur qui ait passé en France; mais son voyage ne sera ni aussi coûteux ni aussi hasardé que celui de son devancier. L'Autriche et la France sont alliées; il n'y a point de maîtresse à qui donner des bagues de diamants. Ce prince marque beaucoup d'ardeur pour s'instruire; c'est par cette raison qu'il néglige les bagatelles, et ne s'attache qu'aux choses relatives au gouvernement; il est très-affable, même un peu coquet.

Je devine tout ce que contiendra votre discours sur M. de Fénelon. Vous n'oublierez pas son Télémaque, ce qui vous donnera matière de traiter des perfections désirables dans un jeune prince, et chacun, à ce portrait, reconnaîtra le jeune monarque qui vous écoute; cela est fin, et ne pourra pas déplaire, parce que l'encensoir ne donnera pas à travers le visage de celui dont vous ferez le panégyrique. Je lus ces jours passés un ouvrage intitulé La Philosophie de la nature, d'un certain Delisle;a j'y ai trouvé de bonnes choses, quelques idées creuses, mais pas autant de méthode qu'on en désirerait dans un ouvrage philosophique. On dit que vos prêtres ont fait rage contre l'auteur, et qu'il est banni de France; certainement son livre ne méritait pas une telle rigueur. Je suis sur le point de partir pour la Prusse.b A mon retour, mes lettres seront plus longues. Je me borne à présent à faire des vœux pour votre entier rétablissement, dans l'espérance de pouvoir vous assurer moi-même de toute mon estime. Sur ce, etc.


a Voyez t. XXIII, p. 448, 450, 451 et 471.

b Le Roi partit le 2.