<60>et croyez que vous avez ce que Tacite dit de Germanicus,a per séria, per jocos eundem animum, une âme qui intéresse également mon cœur quand elle est sérieuse et quand elle est gaie. Vous mettez le comble à vos bontés en employant même la poésie à ma consolation; vous me dites en vers élégants et harmonieux ce que vous avez bien voulu me dire en prose éloquente et philosophique; votre prose, Sire, devrait être signée Sénèque, Montaigne, et vos vers, Lucrèce, Marc-Aurèle.

La pauvre madame Geoffrin est dans la même situation, entourée de médecins qui ne peuvent la soulager, de sots et de dévots qui l'ennuient, privée de voir les personnes qui lui plaisent le plus, et moi de la triste douceur de mêler mes larmes avec les siennes.

V. M. veut bien me rassurer sur la guerre, que je craignais pour elle et surtout pour moi; je désirerais bien vivement qu'elle pût me rassurer de même sur sa santé, dont l'état chancelant m'alarme et m'afflige. Ménagez-vous, Sire, et conservez-vous pour vos peuples, pour la philosophie et les lettres, et j'ose ajouter, pour ma consolation. J'attends avec la plus grande impatience le printemps prochain, pour m'assurer par moi-même de l'état de cette santé qui m'est si chère, et pour remplir les vœux de mon cœur en mettant aux pieds de V. M. les sentiments d'admiration, de reconnaissance, de vénération et de tendresse avec lesquels je suis plus que jamais, etc.

178. A D'ALEMBERT.

Le 29 novembre 1776.

Ceux qui ont le malheur d'être méfiants poussent ordinairement leur curiosité trop loin; on ouvre les lettres, on veut pénétrer les secrets des familles, et l'asile des maisons n'est plus sacré. Soit Allemand, soit Français, quiconque a ouvert nos lettres n'y aura


a Annales, liv. II, chap. 13.