<479>Ce joug que l'on nomme devoir
M'apprend comme il faut recevoir
Celui que trois fois je révère,
Comme souverain, maître et père;

Et ces forêts où le repos
Se humait jadis à grands flots
Seront, par un abus profane,
Voués à l'usage de Diane;
Ce lac dont les poissons en paix
Ne redoutaient point les filets
Verra sur ses ondes tranquilles
Des troupes de pêcheurs habiles;
L'endroit où résonnait le son
De la flûte et du violon,
Ce lieu charmant qu'à l'harmonie
A consacré la symphonie,
Désormais, au lieu de concerts.
Aura table, buffet, desserts.
Ainsi, par des métamorphoses,
Les dieux changeaient l'ordre des choses.
Le Duvala d'Ulysse en pourceau,b
Une triste nymphe en écho.

Voilà une bonne tirade, au risque de vous ennuyer pour quelques moments. Je vous dirai en tout cas une chose qui pourra vous en consoler : c'est que je me suis dix fois plus ennuyé en faisant ces rimes que vous ne vous ennuierez en les lisant. Adieu, mon cher Quinze-Vingt; je suis charmé que le sieur Wolff fournisse de nouvelles matières à notre correspondance; elle ne manquera jamais de mon côté; j'ai un si grand fonds d'estime pour vous, que je n'épuiserai de ma vie ce chapitre. Je me contenterai cependant de vous dire pour cette fois, le plus brièvement qu'il me sera possible, que je suis avec toute la considération imaginable, etc.


a Cuisinier de Frédéric, mentionné plusieurs fois dans le Journal secret du baron de Seckendorff, par exemple, p. 71 et 159. Voyez aussi notre t. XVI, p. 289.

b Allusion aux compagnons d'Ulysse métamorphosés par Circé en pourceaux. Voyez l'Odyssée, chant X. v. 210 et suivants.